Le Monde dans les Livres

Lundi 31 mai 2010 à 12:07

Incidences, Philippe Djianhttp://lemonde-dans-leslivres.cowblog.fr/images/incidences.jpg
   Je n’avais jamais lu de roman de cet auteur ; j’ai entendu parler de cette sortie via la Grande Librairie, que je regarde de temps en temps le dimanche matin. L’évocation d’un prof de littérature et d’écriture qui couche avec une de ses élèves m’a tout de suite rappelé les romans américains que j’affectionne tant. Et quand le présentateur a annoncé qu’au bout des trois premières pages il retrouvait la jeune femme morte dans son lit, j’ai été conquise. Je m’emballe rarement pour les romans contemporains, surtout français ; je pense que c’est lié au fait que je n’apprécie guère l’univers de nos sociétés modernes. Excepté quand il s’agit de l’univers universitaire. 

   Et il est étonnant de voir à quel point ce roman français déroute. Bien que l’action se situe dans le sud de la France, on ne peut s’empêcher de s’imaginer dans une petite ville américaine à la David Lodge. Le héros, Marc, un fumeur sans vergogne, qui fume tout le temps, vraiment tout le temps, est un professeur qui tente d’apprendre à écrire à des jeunes qui n’ont pas la grâce ; par conséquent il ne peut rien pour eux, il le sait. Il compense d’ailleurs sa propre médiocrité d’écrivain en couchant avec les jeunes filles de son cours, tout en prenant garde à ce que sa sœur, avec laquelle il vit encore, à 56 ans, ne les surprenne pas. Cette sœur a une place centrale dans la vie de Marc, jusqu’au jour où il rencontre Myriam, la belle-mère de cette fille retrouvée morte dans ses draps, au petit matin.
   Ce roman est constitué de multiples failles, de blancs, d’ellipses et de flash back, qui ponctuent ce récit qui s’avère fragmenté à l’image de son héros. Quatre morts dans ce roman, des blancs, des failles et des incendies, tout l’appareil pour donner froid dans le dos. Toutefois on est loin du roman policier. Djian s’essaie ici à une véritable analyse psychologique en donnant la parole à Marc, et laisse l’interprétation aux soins du lecteur. Terrible, ce héros n’en reste pas moins attachant. Fragilisé par des blessures d’enfance, il n’y a que dans les failles qu’il parvient à se reconstruire  une identité.
   Mon avis : J’ai maintenant envie de me lancer dans de nouvelles lectures de cet auteur, comme 37,2° le matin. Toutefois, peut-être est-ce surtout l’univers américain qu’il m’a semblé retrouver dans ce roman qui m’a captivée. Il n’empêche que le style de Djian est efficace, incisif et percutant. On ne s’ennuie pas !
   Circonstances de lecture : Lisez ce roman quand il sortira en livre de poche, ou bien en bibliothèque (car pour le moment il n'est pas donné!). Personnellement, c’est par une heureuse coïncidence que j’ai pu le lire. Il est le produit d’un des plus géniaux trocs de ma vie : je l’ai échangé contre Ask the Dust de John Fante. Je ne regrette pas mon choix, surtout que cela a permis à une personne de mon entourage de le lire, et de partager ensuite nos impressions. Je l'ai lu d'une traite, presque sans m'arrêter, dans mon lit puis dans le train.
   Ce troc a également permis à une nouvelle passion de voir la jour, en éclairant la nuit d'une amie. Je parlerai d'Arturo Bandini et de sa poussière plus tard...!

   L'ultime faille : Comme souvent dans les romans de Djian, il y a des blancs, des mystères, des failles - et d'autant plus ici. Certaines choses sont donc laissées à notre libre interprétation. J’attends les commentaires de futurs lecteurs pour lancer le débat, mais je pose tout de même dès à présent la question centrale :
pour vous, Marc est-il fou ?

Mardi 1er juin 2010 à 15:45

http://lemonde-dans-leslivres.cowblog.fr/images/372livre.jpg37,2° le matin, Philippe Djian

   Le héros de ce roman est anonyme, non-caractérisé, ses origines nous sont inconnues et pourtant, au fil de la lecture, il semble qu’on le connaisse. On s’attache à ce personnage en quête d’identité, qui exerce de multiples métiers, dont la véritable vocation est l’écriture et son meilleur job, l’amour. Le roman est bien ici une tranche de vie, celle de ce héros qui dit « je » avec celle qu’il aime plus que tout, Betty. Leur vie commune va durer un peu plus d’un an, période de galères, de changement de lieux, de métiers, le tout dans l’attente fébrile d’un évènement qui n’arrive pas, ou trop tard.
Pour une fois, je voulais bien reconnaître que Betty avait raison. Ça faisait du bien de changer un peu d’endroit. Sauf que pour ma part, je voyais plutôt le bon côté de la chose dans le fait qu’on laissait derrière nous un petit paquet d’amertume, même si c’était seulement pour un jour ou deux…
   Lui ferait n’importe quoi pour elle, qui court après quelque chose qui n’existe pas. Lui se contente du monde qui l’entoure, et s’il cherche à améliorer son existence, à se fixer des buts dans la vie, c’est uniquement pour elle.  Avec elle, pour elle, il irait décrocher la lune.
On a remonté la rue silencieusement. Il arrive un moment où le silence, entre deux personnes, peut avoir la pureté d’un diamant et c’était le cas. […] C’était le genre de balades qui pouvait remplir une vie, qui réduisait n’importe laquelle de vos ambitions à néant. Une balade électrique, je dirais, et capable de pousser un homme à avouer qu’il aime sa vie. Mais moi, j’avais pas besoin qu’on me pousse. Je marchais le nez en avant, je tenais la grande forme. J’ai même aperçu une étoile filante mais j’ai été incapable de faire un vœu, ou alors si, bon sang, oh si Seigneur, faites que le paradis soit à la hauteur et que ça ressemble un peu à ça.
   Cela ne l’empêche pas de porter de temps en temps un regard acéré sur le monde et la société, et l’on retrouve la lucidité de l’écrivain dans ce personnage qui peut parfois sembler bien terre à terre.
J’ai baissé les yeux et je me suis concentré sur ma pêche Melba parce que dans ce monde, la folie est pratiquement générale, il se passe pas une seule journée sans que la misère de l’humanité s’étale sous vos yeux et il ne faut pas forcément grand-chose, il suffit d’un détail ou qu’un type croise ton regard chez l’épicier du coin ou que tu prennes ta voiture ou que tu prennes un journal ou que tu fermes les yeux un après-midi en écoutant les bruits de la rue ou que tu tombes sur un paquet de chewing-gum avec ONZE tablettes dedans, en vérité il suffit d’un rien pour que le monde t’envoie un sourire grimaçant.
   Il y a pas mal de sexe dans ce roman, dans le film aussi paraît-il (il faudra que je le regarde), mais surtout beaucoup de respect, d’amour, et une volonté de vivre aussi bien qu’on le peut dans ce monde pourri. La fin du roman est étonnante, émouvante, le personnage de Betty est complexe, étrange ; comme souvent dans les romans de Djian quelque chose nous échappe, des éléments nous sont donnés tout au long du livre, on ne sait trop que penser, puis à la fin la vérité est dévoilée mais encore une fois en filigrane ; tout est dans l’équilibre du mystère et de la demi-mesure.
  Mon avis :  J’ai réellement beaucoup aimé ce livre. Je me suis énormément attachée au héros, dont on connait la plupart des pensées. Il est écrivain mais apparaît surtout comme un homme qui tente de sublimer sa vie avec les moyens du bord, mais sans se fixer de vrais buts. Il trouve toutefois le courage de faire bouger les choses lorsqu’il rencontre Betty. Ce n’est pas un vulgaire roman d’amour, c’est plus que cela. Selon moi, c’est une leçon de vie ; ce roman montre que même lorsque l’on porte un regard désabusé sur le monde, on peut toujours trouver quelque chose qui égaye ces moments où l’orage gronde au loin.
   Le style de ce roman est assez déroutant, l’adverbe de négation « ne » est absent du texte, peut-être pour montrer que rien n’est impossible à qui veut. C’est un style très oralisé, mais auquel on s’habitue vite et qui donne une dynamique à l’ensemble. Je n’ai pas été déçue par ce roman de Philippe Djian, auteur que je découvre avec plaisir. J’apprécie l’univers qu’il crée, et les personnages d’écrivains qu’il met en scène, à la manière des auteurs américains de la postmodernité. 
  Une très bonne surprise malgré le fait que je ne sois pas une adepte des romans contemporains. J'ai été émue par ce livre comme je l'ai rarement été. On peut parfois faire de belles découvertes en dépassant ses préjugés. Je vais d'ailleurs lire d'ici peu un troisième roman de Djian que l'on m'a offert... qui l'eut cru?!

Jeudi 17 juin 2010 à 18:36

http://lemonde-dans-leslivres.cowblog.fr/images/couvimpardonnables.jpgImpardonnables, Philippe Djian
Je viens fermer le roman, et j’ai le sentiment de rester sur ma faim. Est-ce le sentiment que Djian cherche à susciter chez le lecteur ? Probablement. Puisque dans ce roman, rien n’est jamais explicitement dit, tout n’est qu’évoqué, les évènements sont à déduire d’un mot, d’une phrase prononcée par le narrateur, Francis, un écrivain à succès auquel la vie ne sourit pas. Il a vu périr sa femme et l’ainée de ses deux filles dans un incendie, et quelques années plus tard, lorsque cette histoire commence, il doit faire face à la disparition de sa fille désormais unique, Alice. Devenue actrice, elle enchaîne les films et les excès en tous genres. Alors qu’il fait face à ce nouveau coup du sort, Francis nous livre ses pensées ; un évènement, une personne, un objet, font jaillir à sa mémoire des souvenirs, qui, on s’en rend compte, ne remontent pas à plus loin que le jour de l’accident.
Ce roman est comme un prisme, ou un réseau de bobines, dont les faces sont dévoilées sans suivre aucun ordre. Ni chronologique, ni thématique, rien, tout nous est donné comme ça, entre deux étoiles, celles qui séparent les paragraphes en autant de bribes, de lambeaux de vie. Les paragraphes s’enchaînent en suivant vaguement la ligne du temps depuis la disparition d’Alice jusqu’à la scène de fusillade…
La vie de cet écrivain qui survit grâce à des nouvelles publiées dans des magazines est un voile déchiré, en lambeaux, dont les fils pendants sont parfois déroulés pour nous révéler une bribe de l’histoire de cet homme sans cesse heurté par la vie. Un canevas complexe prend forme sous nos yeux, dont la résolution semble ne pas vraiment exister ; on ne comprend pas tout, tout est complexe, injuste, incompréhensible, à l’image de la vie. Pourquoi est-ce qu’Alice a disparu pendant deux mois sans donner de nouvelles, laissant place à tous les scénarios possibles, et est réapparue tout à coup, là où on l’attendait ? Pourquoi est-ce que Anne-Marguerite a succombé à son cancer ? Pourquoi est-ce que Judith, la seconde femme de Francis, celle grâce à laquelle il est revenu au monde, le trompe-t-elle avec Jérémie, le fils de A-M, ce gamin fou qui ne passe son temps à se battre, ne donne pas de nom à ses chiens et pleure comme un enfant à la mort du premier qu’il a adopté ? Judith qu’on ne voit jamais, qui fuit la compagnie de Francis après une dizaine d’années de vie commune, de vie manquée, ils se sont mariés trop rapidement, sur un coup de tête, ou plutôt dans un acte de survie.
Impardonnables… Tous sont impardonnables : Alice qui a disparu, Judith qui l’a trompé, Roger qui lui a menti, Jérémie, ce fils de substitution que je soupçonne d’être véritablement le fils de Francis, même A-M, Johanna et sa fille, emportées trop tôt, trop mal, trop injustement. Mais la vie c’est cela. Des coups durs, des choses inexplicables. On ne peut pardonner au destin de faire son office. Tout ce qui fait aussi mal est impardonnable… Impardonnables, ce titre au pluriel qui démultiplie les sujets de rancune, laisse présager que le pardon n’a aucune place dans ce roman. Et pourtant, avant la fin, il semble que Francis s’achemine vers le pardon, mais envers une seule personne… « Pourquoi elle ? » comme demande Alice. J’attendis qu’elle relève la tête, quelle me regarde dans les yeux, mais elle demeurait immobile. « Pour mille et une raisons, Alice », lui répondis-je.
Comment continuer à vivre quand il semble que tout soit perdu ? Seule l’écriture semble pouvoir empêcher Francis de sombrer. Lui qui n’arrivait presque plus à enchaîner deux phrases après l’accident, se sent soulevé par le désir d’écrire un roman. La littérature lui sauvera-t-elle la vie ?
N’y avais-je pas déjà un pied dans l’au-delà ? J’y pensais souvent depuis que nous nous étions séparés, Judith et moi – et l’extrême mauvaise humeur d’Alice, qui en soit n’avait guère d’importance, ajoutait encore à mon dépit. Des quatre femmes qui avaient donné un sens à mon existence, deux étaient mortes, une m’avait quitté, et la dernière refusait de m’adresser la parole.
Je remerciais le ciel de m’avoir donné la littérature. Je remerciais la littérature de m’avoir donné un travail, d’avoir subvenu aux besoins de ma famille, de m’avoir fait connaître les frissons du succès, de m’avoir châtié, de m’avoir grandi, et je ma remerciai aujourd’hui pour la main qu’elle me tendait encore, mais serait-ce suffisant désormais ? La littérature allait-elle tenir son rôle encore longtemps, pour ce qui me concernait ? Maintenant que j’étais seul, maintenant que la poussière retombait.
 
Francis est désemparé, même si dans toute cette histoire, on sent qu’il a des choses à se reprocher. Il est loin d’être parfait, il fait parfois les mauvais choix, n’agit pas toujours comme il faudrait, tout en tentant de de surmonter la douleur comme il peut. Je l’ai perçu comme un héros blessé mais s’efforçant de se relever, de parer les coups, plein d'autodérision qu'il est, mais qui ne peut empêcher son sang de couler et ses blessures de se rouvrir. Ce roman pose la question de l’amour, du deuil, de la souffrance et du pardon. Il interroge également la figure du père, de l’homme et de l’amant. Comment être père, amant et homme tout en souffrant ? Des sujets difficiles, mais que la construction hachée de Djian permet de rendre sans tomber dans le pathos ni l’édifiant.
Avec un roman pareil, le lecteur devient une sorte de détective, à l’affût de la moindre phrase pouvant être une piste, du moindre pronom ou adjectif pouvant constituer un indice dans cette quête de reconstruction, de compréhension. Encore un roman à l’image de son héros, déstructuré, déstabilisé, en équilibre précaire sans un monde où le pardon est impossible.
Ce que j’aime dans les romans de Djian, c’est ce flou qui demeure, ces questions qui planent, et qui donnent envie de relire le livre, dont le style est pourtant épuré, mais dont on semble ne jamais épuiser le sens. Chaque mot, chaque phrase compte, le lecteur est sans cesse en éveil, il ne faut pas manquer une bribe de cette œuvre qui entretient, jusqu’au bout, le mystère. 

Aujourd'hui, mon avis... : Djian, c'est comme une petite musique grésillante, aux multiples coupures. Mais comme lorsqu'on écoute un morceau qu'on aime à la radio et que ça capte mal, on a l'impression de n'entendre que le meilleur. C'est un peu ce que je ressens à la lecture de ses romans, comme si'il disait l'essentiel, sans s'embarasser. En cela il peu paraître dur, mais au moins il ne s'encombre pas du paraître et nous plonge directement dans ce qui fait la profondeur et parfois la noirceur de l'être.
J'aime vraiment ce style coupé, fissuré et pourtant poétique, où une description en quelques lignes d'un coucher de soleil ou de la lande sous la tempête, cotoie des remarques sur les courses qu'il reste à faire, le chili qui cuit dans la casserole (37,2°!) ou les dernières parties de jambes en l'air sous les draps. Une écriture charnelle, à vif, qui ne laisse pas indifférent!

Lien vers une interview très intéressante de Djian : http://www.telerama.fr/livre/philippe-djian-inventer-une-histoire-est-sans-importance-c-est-la-langue-qui-compte-et-elle-seule,29528.php

Jeudi 24 juin 2010 à 23:00

http://lemonde-dans-leslivres.cowblog.fr/images/yalom.jpgEt Nietzsche a pleuré, Irvin Yalom
Je viens enfin de terminer ce roman récemment sorti en poche, coup de tête et d’envie d’un après-midi de fringale littéraire. Cette première phrase ne présage rien de bon me direz-vous… et bien effectivement, j’ai été déçue par ce roman, et surtout déçue de l’avoir acheté… Je préfère posséder les livres qui m’ont passionnée, et celui-ci n’en fait pas partie. Pourtant, il y a de bonnes choses dans ce roman, des choses qui m’intéressent. La trame générale de l’histoire, cette rencontre d’un Nietzsche malade de désespoir et de solitude avec le docteur Breuer, éminent médecin viennois, le premier à avoir expérimenté « la cure par la parole », qui deviendra la psychanalyse une fois que son ami Freud l’aura théorisée, n’est nullement dénuée d’intérêt. On y retrouve les grands thèmes de la philosophie de Nietzsche – la volonté de puissance, l’amor fati (amour de l’instant présent et du destin), le rejet de toute transcendance,…-, des passages du Gai Savoir, d’Humain, trop Humain, et des références à Ainsi parlait Zarathoustra. Par ailleurs, moult épisodes d’analyse psychanalytique entre les deux hommes sont rapportés – les rôles seront un moment inversés, Breuer devenant le patient de Nietzsche, dans un combat sans fin pour le pouvoir, la suprématie, qui s’achève dans le consensus de l’amitié, la vie vécue intensément, cette volonté qui veut l’intensité, l’intensité d’une vie qui ne soit plus déchirée par des forces qui se mutilent entre elles (autrement dit, parvenir à lier raison et passions ; selon moi, c’est un peu ce que permet une cure psychanalytique…) (finalement, il est drôlement pensé ce bouquin !).
Lou Salomé, femme que Nietzsche a réellement aimée, vient trouver Breuer à Vienne pour lui demander de venir aider le philosophe (ce qui eût été impossible en réalité, car Lou Salomé était une femme bien trop fière pour cela !). Breuer était connu au sein de la communauté médicale de l’époque (1882), dont faisait partie le tombeur de ces dames, Arthur Schnitzler (oui oui, le même qui a écrit le très beau roman Mademoiselle Else !). Breuer est le premier à avoir traité une femme victime d’hystérie (la fameuse Anna O. du premier ouvrage de Freud, Etudes sur l’hystérie). Beaucoup de références à des faits réels, mais voilà où le bas blesse : tout est bien trop romancé à mon goût… L’auteur s’appesantit trop sur la vie du docteur, qui permet certes de faire des parallèles avec le malaise de Nietzsche, mais quand même, trop c’est trop… Et puis des femmes dont on pense qu’elles seront importantes, mais qu’on ne saisit jamais pleinement, qui n’existent qu’en tant que fantasmes (d’accord, c’est un roman de psychanalyse, mais bon…) De plus, le titre est un peu décevant… On doit attendre la fin pour voir apparaître des larmes dans les yeux de ce philosophe hurlant, dont les ouvrages sont comme un grand cri qui est venu réveiller la philosophie européenne. C’est même le docteur qui pleure avant lui… Néanmoins, cet ouvrage a l’intérêt de donner une image peut connue et plutôt inattendue de Nietzsche, qui apparaît comme un homme d’une grande douceur, poli, respectueux ; rien à voir avec la virulence de son œuvre.
Bref, un roman sur la philosophie et la psychanalyse qui est, à mon goût… trop romancé ! C’est le comble pour un roman… Mais je trouve que la narration manque de fluidité, que l’auteur s’appesantit trop sur certains détails, que le personnage de Breuer manque de profondeur même si l’on connaît ses pensées les plus intimes… Je ne me suis attachée à aucun personnage. Pourtant je pensais que j’aurais affaire à un livre qui me rappellerait le plaisir que j’avais eu à la lecture de La Part de l’Autre de Schmitt, roman dans lequel Hitler rencontre Freud. Mais finalement, rien à voir. C’est épais, les ficelles sont énormes, et pourtant, les idées philosophiques présentées sont des plus subtiles… Toutefois, il ne me fallait pas trop en attendre de la part d’un auteur qui écrit avant tout des livres de psychothérapie (Mensonge sur le divan, par exemple). Je suis dure ? Oui, c’est vrai… Parce que finalement, les idées philosophiques sont là ; mais je m’attendais à mieux...
En définitive, je conseille ce livre à ceux qui aiment Freud, Nietzsche, et s’intéressent à la genèse de la psychanalyse. Un roman facile d’accès, facile à lire, un peu long à mon goût, mais pouvant plaire à certains !
Un gros point positif, pour terminer sur une note moins dure… : Ce roman a néanmoins le grand mérite de m’avoir permis de me remettre en mémoire la philosophie de Nietzsche, que j’avais découverte grâce à Apprendre à Vivre de Luc Ferry (que j’ai adoré !) puis à des cours de philo.
Une dernière petite chose : ce livre a été élu Prix des Lecteurs, sélection 2010. Cette manière d’aborder la psychanalyse est, il est vrai, assez plaisante et divertissante. Ça n’est juste pas ce que je cherchais en ce moment ; que cet avis ne vous empêche pas, un jour, de lire ce roman !
 

Samedi 26 juin 2010 à 17:08

http://lemonde-dans-leslivres.cowblog.fr/images/lapluie.jpgLa pluie, avant qu’elle tombe, Jonathan Coe
« Et bien moi, j’aime la pluie avant qu’elle tombe.» C’est ce que proclame la petite Théa, alors qu’elle se trouve au bord d’un lac, à la montagne, en compagnie de Rosamond et Rebecca. Et quand les deux femmes lui font remarquer que ça n’existe pas, la pluie avant qu’elle tombe, la petite fille répond : « Bien sûr que ça n’existe pas ; c’est pour ça que c’est ma préférée. Une chose n’a pas besoin d’exister pour rendre les gens heureux, pas vrai ? »
Du pathos bien amené me direz-vous ? Et bien non, pas ici, pas dans ce roman.
Gill, petite nièce de Rosamond, se voit confiée la lourde mission de retrouver Imogène. Imogène dont on ne sait rien, Imogène la petite aveugle à laquelle Rosamond, à sa mort, lègue une partie de son héritage. Mais à travers un récit en vingt étapes, la vieille femme raconte, sur des bandes audio, l’histoire de cette petite fille, et des deux générations de femmes qui l’ont précédée. Son arrière-grand-mère Ivy, sa grand-mère Béatrix, et sa mère Théa, la petite fille de l’extrait. Leur visage, leurs proches, leur vie émanent de photos que Rosamond s’efforce de décrire à Imogène qui ne voit plus ; elle décrit, mais surtout elle commente. Car c’est trompeur une photo, on sourit, mais on ne sait pas toujours que derrière les sourires immortalisés, une tragédie se joue dans l’ombre. Et Rosamond connaît ces coulisses, où tout n’est pas joli à voir. Parfois les mots jaillissent, à profusion ; de temps en temps, ils manquent, et la description de la photo constitue l’essentiel du chapitre; et parfois, voir la photo suffirait, l’image en dirait plus que toutes paroles. Mais pour Imogène, elle doit continuer à parler.
Il faut qu’Imogène comprenne d’où elle vient, qui elle est, et que sa venue est le fruit d’un concours de circonstances, d’un destin, ou d’un hasard des plus troublants. Chaque photo rappelle un évènement qui, plus ou moins puissamment, parfois insensiblement, a infléchi et orienté le destin de celle qui est devenue une jeune fille.
Les portraits croisés de toutes ces femmes dont les actes ont – peut-être, et c’est la question du roman !- orienté le destin d’Imogène, sont poignants, bouleversants, très « réels ». Ce sont des femmes embarquées par la vie, par ses troubles, et qui luttent pour vivre, en oubliant parfois leurs devoirs. Sont-elles le jouet du destin, ou est-ce que rien ne préside à la forme que prend leur existence ? Quelle place donner au hasard ?
Voilà la conclusion que propose Rosamond : la vie ne commence à avoir un sens qu’en admettant que parfois, souvent, toujours, deux idées absolument contradictoires peuvent être vraies en même temps.
Tout ce qui a abouti à toi était injuste. Donc, tu n’aurais pas dû naître.
Mais tout chez toi est absolument juste : il fallait que tu naisses.
Tu étais inévitable.
 
Mon avis : Un joli roman, grave et poignant comme l’annonce la quatrième de couverture, mais assez poétique, avec cette histoire de pluie « avant qu’elle tombe ». On ne s’ennuie pas, la narration est des plus originales avec ce choix d’un chapitre, une photo. On apprend à connaître les personnages, leurs évolutions, leurs rencontres. Et on ne doute petit à petit que tout mène à cette énigme, Imogène. Métaphore du destin, ou du non-destin, à nous de choisir, ce livre est vraiment agréable, se lit rapidement (on ne peut pas trop le lâcher!), il échappe au gnangnan, et brosse un tableau de l’histoire des femmes bouleversant. Toutefois, la fin est un peu décevante, ou plutôt un peu inutile à mon goût. Le livre aurait pu s’arrêter à la fin du récit de Rosamond.
Une lecture que l’on m’avait chaudement conseillée, et que je ne regrette aucunement, même si ce genre de roman n'est pas ce que je préfère… Mais je me mets aux contemporains ces derniers temps ! Et ce roman vient de sortir en poche

 
Je profite de cet article pour évoquer mes joies livresques du jour (qui sont assez nombreuses pour être évoquées !). D’abord, en allant au marché, je suis tombé sur un vendeur ambulant de romans ; j’ai fouiné. Résultat : je suis rentrée à la maison avec 7 romans de Zola – ce qui fait qu’il ne me manque plus que 3 livres pour posséder l’ensemble du cycle des Rougon-Macquart !- et la ferme intention de les avoir tous lus… un jour^^ ! Défi lancé, mais pas prêt d’être relevé !
Et seconde bonne surprise : j’ai trouvé Impuretés de Djian à la bibliothèque… et vous laisse pour aller me faire une opinion sur ce roman recommandé comme étant un des meilleurs de cet auteur que j’ai en grande estime ! (Finalement j'ai commencé Brooklyn Follies de Paul Auster... Mais Djan viendra bientôt!)
 

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