Le Monde dans les Livres

Lundi 4 octobre 2010 à 0:08

http://lemonde-dans-leslivres.cowblog.fr/images/laChartreuse.jpg La Chartreuse de Parme, Stendhal
Je n’avais lu de Stendhal que Le Rouge et le Noir, deux fois. Une fois sans en saisir les subtilités, comme une histoire d’amour, ou des histoires d’amour, avec au milieu un passage un peu long de vie monacale… et puis une seconde fois, plus aguerrie que j’étais, capable d’en saisir certaines subtilités. J’avais également feuilleté son De l’Amour, acquis dans une brocante. Et puis j’avais acheté La Chartreuse. Des années, peut-être quatre ans, voire cinq, qu’elle (le livre, s’entend… mais le Chartreuse, je veux dire l’œuvre, est devenue une entité féminisée, le roman féminin de Stendhal, l’œuvre italienne aux puissantes épices, qui s’oppose au Rouge, le roman masculin, celui de l’ambition, de la passion… !) était dans ma bibliothèque, dans une édition commentée, pas très jolie, trop scolaire, à la couverture trop voyante. Aucun charme italien… Je l’avais commencé tout de même, parce qu’on parle si souvent de cette bataille de Waterloo, fameuse parce que Fabrice, dont on suit le regard, ne voit rien… Etrange d’établir la postérité universitaire d’une œuvre sur un épisode qui ne raconte rien, à part l’incompréhension du héros… Maintenant que je suis arrivée à la moitié du roman, au seuil du second livre, je comprends des choses ; et j’ai pitié de Fabrice. Franchement, Stendhal ne le ménage pas le pauvre, surtout au début. Et c’est là qu’on découvre que La Chartreuse, c’est drôle. Vraiment drôle. Bourré d’ironie, mais une ironie saisissable. Il ne faut juste pas prendre le texte au sérieux. Ou plutôt si, le prendre à la lettre, et voir que vraiment, c’est ironique. En dépassant l’aridité présumée du texte, en étant attentif aux détails qui finalement font tout – fi dates, lieux, considérations politiques, fi, fi ! Faisons comme Gracq, voyageons en stendhalie, avec dans l’idée qu’un roman, c’est de la fiction gratuite, sans visée didactique, sans vérité cachée- juste le plaisir de lire des aventures enrobées dans de beaux mots. (nb : il ne s'agirait tou de même pas d'occulter une lecture possible du roman comme une version de la chute de Napoléon, ou encore une satyre possible de la Cour italienne en 1820... Mais je reste dubitative, et suit Gracq!)
Et quelles aventures ! Gina d’abord, la tante du héros. Une vraie briseuse de cœurs. Et Fabrice Del Dongo alors, un jeune homme de dix-sept ans un peu niais, qui croit avoir lu dans le ciel l’appel de Napoléon – un aigle chassant une souris, probablement…- et s’est enrôlé dans l’armée. S’ensuit Waterloo – je n’y reviens pas…-, épisodes vraiment drôles, conseils tous azimuts, apprentissage sur le tas, bref, une campagne militaire comme on en a jamais vue. D’ailleurs on ne voit pas Napoléon. Normal me direz-vous, puisque Fabrice ne voit rien, et qu’on est en focalisation interne (ahah il fallait bien la placer celle-là !). Mais vraiment, cette fois, j’arrête sur le sujet, promis.
Fabrice, de retour auprès de sa mère et de sa tante devenue veuve, manque de se faire arrêter pour être sorti du pays sans passeport. Il s’exile. Pendant ce temps – Stendhal est le spécialiste des sauts dans le temps, qui déroutent un peu le lecteur, mais qui font son charme, j’y reviendrai- Gina a trouvé en la personne du conte Mosca un parfait amant (il est ministre de la police et des finances à Parme). Elle épouse un vieillard riche pour s’assurer une place à la cour de Parme (d’où son nom resté dans les annales, la Sanseverina – nom du vieillard en fait), où elle est accueillie à bras ouverts, et est rapidement considérée comme l’une de ses plus belles femmes – si ce n’est la plus belle.
Fabrice revient, repart trois ans en formation cléricale, revient à Parme, vit sa vie de jeune homme, rend jaloux Mosca, fait tressaillir le cœur de plus d’une femme, plus que jamais défaillir celui de la Sanseverina (sa tante, certes…). Il évolue, n’est plus le jeune candide du début, quoi que… Il vit de multiples aventures, celles d’un don juan le plus souvent. Pourtant, et c’est là que réside tout l’intérêt du personnage, Fabrice se croit incapable d’amour.
Mais n’est ce pas une chose bien plaisante, se disait-il quelques fois, que je ne sois pas susceptible de cette préoccupation exclusive et passionnée qu’ils appellent de l’amour ? Parmi les liaisons que le hasard m’a données à Novare ou à Naples, ai-je jamais rencontré de femme dont la présence, même dans les premiers jours, fût pour moi préférable à une promenade sur un joli cheval inconnu ? Ce qu’on appelle amour, ajoutait-il, serait-ce donc encore un mensonge ? J’aime, sans doute, comme j’ai bon appétit à six heures ! Serait-ce cette propension quelque peu vulgaire dont ces menteurs auraient fait l’amour d’Othello, l’amour de Tancrède ? ou bien faut-il croire que je suis organisé autrement que les autres hommes ? Mon âme manquerait d’une passion, pourquoi cela ? Ce serait une singulière destinée…
Je vous laisse goûter toute l’ironie que l’on sent pointer de la part du romancier, qui prête sa plume aux paroles du bellâtre. Et tous les clins d’œil qu’il jette au lecteur. On se doute bien qu’un héros qui aurait une telle destinée ne saurait survivre encore 250 pages, les 250 pages qu’il reste du roman et constituent le second livre, et que je vais m’empresser d’aller lire !
S’empresser, c’est bien le mot. Parce que dans la Chartreuse, les épisodes s’enchaînent, se succèdent, se mêlant et se démêlant aussi vite. Toutefois, rien n'est bâclé, tout ce qui était possible semble réalisé, écrit, posé.  Des péripéties, de nouveaux protagonistes, des déguisements et des identités diverses pour Fabrice, des hommes amourachés pour la Sanseverina, la jalousie galopante de Mosca… Peu de moment de pose, d’exploration de l’intériorité, de « tempête sous le crâne » (le mot est de Gracq, peut-être même de Stendhal lui-même) comme dans le Rouge et le Noir (je pense par exemple à la scène où Julien se fait un devoir de prendre la main de Madame de Rênal). Parfois des moments de contemplations, mais souvent, très souvent, de l’action. Et malgré tout, j’aime. J’aime parce que c’est puissant, un torrent bouillonnant mais plaisant. Et puis les personnages sont attachants, il tarde de savoir ce qui va leur arriver, quelle nouvelle aventure ils vont vivre. Les épisodes s’enchaînent avec une telle frénésie qu’on se demande si Stendhal n’écrirait pas au grès de ses folies.
Toute empressée que j’étais d’écrire, je n’ai pu attendre la fin. L’empressement de la plume serait contagieuse…
A bientôt pour la suite !

Dimanche 10 octobre 2010 à 23:55

http://lemonde-dans-leslivres.cowblog.fr/images/laChartreuse-copie-1.jpgLa Chartreuse de Parme, II, Stendhal

Me voilà arrivée au terme de ce grand et épais classique (mais unique !), La Chartreuse de Parme. Je dois dire que j’ai été très agréablement surprise. Par-dessus le mythe d’œuvre épaisse, politique et pratiquement inabordable que je m’étais forgé par bribes saisies au hasard de mes études, s’est établie la véritable histoire de ces personnages dont le nom m’était familier mais que finalement, je ne connaissais pas.
Ma plus belle rencontre fut sans doute celle du Comte Mosca. Pourquoi lui me direz-vous ? Pourquoi ce personnage dont on entend parler comme étant tout au plus un instrument politique dans les mains du Prince, instrument tout court dans les mains de la Comtesse, et dont le monologue jaloux nous est rapporté dans la première partie ? Et bien j’avais beaucoup entendu parler de ce Mosca lors d’une conférence donnée par Gérard Gengembre (professeur merveilleux…), alors que je n’avais pas encore lu l’œuvre. Je m’étais alors figuré un personnage logé dans une tour, et faisant la pluie et le beau temps (confusion fâcheuse avec le général Fabio Conti, responsable de la Tour Farnèse), et cette situation aérienne avait sans doute contribué à filer la méprise d’un Mosca-moustique, celui qui pique et dérange. En définitive, rien de tout cela. Puisque finalement Mosca est indispensable. Au Prince, à la Comtesse, à Fabrice surtout. De plus il ne dérange personne, puisque ce sont les autres qui le dérangent. Lui aurait aimé partir vivre à la campagne avec la Sanseverina, loin de son rival inavoué, Fabrice. Mosca est au fond un homme profondément amoureux, de la femme la plus belle et la plus passionnée de la Cour, Gina ; mais aussi, au fond, amoureux de la politique. Il exerce son devoir avec brio, même si ses idéaux napoléoniens sont anéantis avec la chute de Bonaparte. Et à la fin, n’est-t-il pas le seul qui reste ? Mosca, ou la victoire du moustique ? Victoire en demi-teinte dirasi-je, puisque s’il parvient finalement à épouser Gina (âgé physiquement de trente ans, mais en ayant mentalement quarante, pied de nez à Balzac, pour qui trente ans est l’âge du mariage, auquel fait suite la quête du bonheur. Notons donc que c’est l’inverse chez Stendhal, puisque Gina se marie par dépit et meurt peu de temps après… Ceci est d’autant plus amusant que j’ai lu quelque part que Balzac aurait compris la Chartreuse de Parme complètement à l’envers…). Donc Mosca épouse Gina, en profite à peine puisqu’elle meurt, et se retrouve à régner en maître sur Parme, avec à ses côtés le Prince quasi fantoche, Ernest V. Bref, le grand vainqueur du roman, c’est peut-être lui…
Mais pourquoi n’en est-il pas le héros ? Et bien tout simplement parce qu’il n’est pas totalement sublime (il l’est tout de même un peu puisqu’il est prêt à renoncer à ses titres au nom de son amour pour la comtesse. Par conséquent pour lui, les privilèges de la naissance ne sont rien au regard de ce que l’on se doit à soi-même, l’honnêteté vis-à-vis de soi et des autres).  Son âme est de marbre, mais son cœur est un chamallow ; il est un amoureux transi qui ne sait s’y prendre pour conquérir le cœur de celle qu’il aime.
Fabrice lui, est véritablement sublime, étymologiquement et littérairement parlant. D’abord il est celui qui s’élève (sublimis en latin, qui va en s’élevant). Le Fabrice qui se retrouve à la tour Farnèse pour avoir provoqué en duel un histrion n’a pas grand-chose à voir avec celui qui assistait sans trop savoir que faire à la bataille qui marqua la fin des Cent Jours, et avec eux du premier Empire. Quoi que… Puisque finalement, son emprisonnement a un motif un peu ridicule. La vraie raison en est plutôt la jalousie du Prince, fou amoureux (lui aussi !) de la Sanseverina. Et puis aussi l’étourderie et les véléités courtisanesques (ou aussi jalousie…) de Mosca. Dans tous les cas, les raisons de son emprisonnement sont un peu ridicules. Donc romanesques ? Peut-être, si l’on considère comme étant romanesque ce qui arrive comme par la volonté d’un dieu, d’une puissance supérieure (celle de l’auteur ?). Le vieux prêtre de son enfance, astrologue, ne lui avait-il pas promis un long séjour en prison ? Quoi qu’il en soit, Fabrice s’est élevé, il a appris, les femmes, les dangers, la ruse… et enfin l’amour ! C’est là que réside selon moi le grand bonheur de la lecture de ce roman : la cristallisation de l’amour ayant pour cadre une prison, et pour objet la fille du gouverneur de la forteresse, Clélia Conti elle-même ! Quittant un paradoxe (son incapacité à l’amour) Fabrice en endosse un autre : celui de se plaire à vivre en prison. Mélancoliques tous deux, entourés d’oiseaux, Clélia et Fabrice vont échanger des regards, des lettres écrites avec du charbon ou du chocolat (… !), des sonnets, des larmes, et enfin des baisers (plus encore à la fin, mais Stendhal revisite pour cela le mythe de Psychée, puisque Clélia, devenue Marquise pour plaire à son père, accablé de la honte d’avoir laissé échapper Fabrice de la Tour, a promis devant la sainte Vierge de ne pas voir Fabrice… A la fin elle meurt, punie pour son hybris de l’avoir entrevu à la lumière de la lampe qui lui permettait de soigner son fils malade ?...). Fabrice s’élève également vers les choses divines (ou presque, puisque l’objet de la quête qui le mènerait au bonheur n’est autre que Clélia…) en devenant un prédicateur hors-pair. Et à la fin, il monde, il monte encore, puisqu’il trouve, pour un an, refuge où ça ? A nul autre endroit que la Chartreuse de Parme !
Voilà donc l’explication de ce titre en apparence trompeur ! Ah là là quel farceur ce Stendhal ! Il a le don de bluffer. Dans le Rouge et le Noir, n’a-t-il pas dit que ce titre tenait à ce que si Julien était né plus tôt, il aurait endossé l’habit rouge du soldat, mais de par son âge, il n’avait endossé que la noire soutane ? Avec des énigmes pareilles, pas étonnant que ses romans soient réservés aux Happy Few !
L’élévation de Fabrice, en somme, est peut-être un peu burlesque. Je ne saurais me prononcer davantage à ce propos, puisque je ne prétends pas m’y connaître suffisamment pour proposer des arguments pertinents. Je laisse donc la parole à un très éclairant article sur le sublime dans La Chartreuse de Parme. Après lecture rapide de celui-ci, je peux dire que ce qui fait de Fabrice un personnage sublime vient du fait qu’il cherche sans cesse à s’élever non pas pour obtenir les honneurs (à la fin il montre à quel point il déteste tenir salon ou jouer au whist) mais pour coïncider avec lui-même, dans la simplicité. De même Clélia a une âme noble et sublime, incarnation même du naturel et de la simplicité, définition même du sublime stendhalien.
A noter enfin que le personnage qui atteint le paroxysme du sublime est peut-être Ferrante Palla, cet homme qui s’est trouvé (donc qui a achevé cette quête de soi, condition de la montée asymptotique vers le sublime (je synthétise ma lecture de l’article…)) dans l’art et la nature, qui a développé une passion (amour pour la Sanseverina), et a un objectif politique, renverser le tyran (il a en cela quelque chose du Lorenzzo de Musset).
Une multitude de personnages, un foisonnement de références (historico-politiques que je n’ai pas cernées, romantiques (le Lac, le sublime des paysages, les réflexions face aux paysages), picarestes et italiennes (of course !), l’amour, la haine, le désir, la jalousie, la religion honnie, les symboles,…)
Un roman complet, extraordinaire, dont une bonne partie de la profondeur a du m’échapper du fait de ma mauvaise maîtrise de l’Histoire et des références historiques. Une très belle et longue lecture, une impression de retrouvailles transfigurées, peut-être même plutôt la découverte d’un joyau que je ne voulais, alors qu’il se trouvait sous mon nez… Je n’ai pas sauté de pages, j’ai saisi l’essentiel (les intrigues de cour me laissent un souvenir plus que confus, mais qu’importe) et vraiment, cette lecture est abordable, et même palpitante. Je la conseille à tous, peut-être même plus aux jeunes garçons, tourmentés par l’amour… Un roman pour les jeunes d’aujourd’hui, un roman qui donne sens.

Samedi 16 octobre 2010 à 18:57

http://lemonde-dans-leslivres.cowblog.fr/images/particuleselemetaires.jpgLes particules élémentaires, Michel Houellebecq

Je ne ferai pas de résumé de ce livre ; remarquez, c’est souvent ce que je ne fais pas, un résumé, parce que souvent, je n’y arrive pas. Les idées viennent, et avec elles, les illustrations. C’est peut-être du au fait que pour moi, un livre est une lecture du monde, une manière de le voir, de l’appréhender, de le donner au lecteur…
Sauf que là le narrateur se place dans un temps reculé… En 2050, passé…  Il raconte l’histoire des hommes, de cette espère humaine qui, comme on le comprend à la fin, est en voie de disparaître. Et cette espèce humaine obsolète, et bien, c’est nous. Nous, hommes et femmes des années 90, des années 2000, bientôt 2010. Particules élémentaires de la vie à venir… Gamètes et désirs, angoisses et plaisir, vie et mort…
A travers les deux demi-frères qu’il met en scène, Houellebecq nous présente toute l’espèce humaine. L’un s’appelle Michel (hasard ?) ; biologiste, encéphalogramme du désir plat. L’autre, c’est Bruno, incarnation d’Eros, obsédé par sa bite (pardonnez l’expression, crudité du texte oblige) et la volonté de soulager ses pulsions. Et de les soulager si possible dans la douceur féminine…Parce que d’égoïste qu’il est, l’homme cherche toujours une attache, un autre avec qui parcourir la voie difficile et impitoyable de l’existence. On raconte leur enfance – des plus glauques pour Bruno, pensionnat et mère absente…-, leur découverte de la sexualité, leurs tentatives pour trouver le bonheur. Un bonheur bien morose pour Michel, s’il en est, puisqu’il ne s’intéresse à rien d’autres qu’à ses recherches en biologie. Bonheur dans la chaleur d’une femme pour Bruno, qui peu à peu sombre dans la folie. Avec Bruno, c’est sea, sex and sun à longueurs de pages. L’homme qui pense avec son sexe. Au contraire, Michel, c’est celui qui pense uniquement – ou presque- avec son cerveau. Tout les oppose, et pourtant ils sont à moitié frères. Pour moitié issus des mêmes particules élémentaires, de gamètes (j’ai conscience de ne pas user du vocabulaire physique à bon escient). Et tellement différents… L’homme a cela de particulier qu’il est unique. Il peut développer sa personnalité comme il l’entend. Or à la fin, Michel considère que la reproduction, par les dégradations qu’elle provoque dans le patrimoine génétique et les cellules (pardonnez mon imprécision…), est ce qui mène inexorablement vers la mort. Or en créant un patrimoine génétique totalement stable, on parviendrait à créer des hommes et des femmes immortels et identiques, qui vivraient dans l’union et la concorde, hors de tout désagrément causé par les désirs ou les volontés individuels.
L’humanité devait disparaître ; l’humanité devait donner naissance à une nouvelle espèce, asexuée et immortelle, ayant dépassé l’individualité, la séparation et le devenir.
Ces désirs qui font que même un père et son fils peuvent devenir l’un pour l’autre des prédateurs…
Pour l’anniversaire de Bruno, l’année de ses dix ans, Victor avait calligraphié sur une feuille de Canson, en grosses lettres multicolores : « PAPA JE T’AIME ». Maintenant c’était fini. C’était réellement fini. Et, Bruno le savait, les choses allaient encore s’aggraver : de l’indifférence réciproque, ils allaient progressivement passer à la haine. Dans deux ans tout au plus, son fils essaierait de sortir avec des filles de son âge ; ces filles de quinze ans, Bruno les désirait lui aussi. Ils approchaient de l’état de rivalité, état naturel des hommes. Ils étaient comme des animaux se battant dans la même cage, qui était le temps.
Malgré ses déviances sexuelles, ses obsessions, ses démangeaisons perpétuelles, Bruno est celui qui parvient à, semble-t-il, trouver une forme de bonheur. Il fréquente les lieux New Age, où la nudité, le sexe et les plaisirs inhérents sont à l’honneur…
Ce qui surprend malgré tout c’est que des activités sexuelles aussi diversifiées, largement plus excitantes que ce qui est représenté dans n’importe quel film pornographique, puissent se dérouler sans engendrer la moindre violence, ni même le plus léger manquement à la courtoisie.
C’est Bruno qui écrit cela, dans un article que lui inspirent ces séjours. Car sous ses obsessions bestiales, Bruno est un homme de lettres, émotif, émouvant, cynique mais sensible à ce qui l’entoure. Il écrit des poèmes, publiés par Debord ! Comme Bruno, Houellebecq aime à introduire des passages descriptifs quasi scientifiques. Il propose des réflexions scientifiques et philosophiques poussées, ayant pour média ses personnages. De là cette écriture qu’on qualifie de clinique…
 A côté de lui, la vie de Michel semble plus que morose.
Il avait en lui quelque chose d’atrocement triste, devait déclarer Walcott, je crois que c’est l’être le plus triste que j’aie rencontré de ma vie, et encore le mot de tristesse me paraît bien faible : je devrais plutôt dire qu’il y avait en lui quelque chose de détruit, d’entièrement dévasté.
Revenons sur cette écriture qu’on dit clinique… Oui et non je dirais. Il est vrai que certains passages sont d’une précision scientifique étonnante. On se croirait presque face à un article de vulgarisation. Toutefois, la poésie a large part dans ce roman, les titres sont explicitement romanesque (malgré le titre de l’œuvre, ambigu). Il y a un prologue, un épilogue, un « Royaume perdu », des « Moments étranges », et l’œuvre est largement polyphonique (mêlant poésie, discours scientifique, sociologique, avec quelque chose du roman d’apprentissage, …) L’incipit du roman (le début de la première partie, pas le prologue), m’a interpellée ; je l’ai relu plusieurs fois. Je vous le donne :
Le 1er juillet 1998 tombait un mercredi. C’est donc logiquement, quoique de manière inhabituelle, que Djerzinsky (Michel) organisa son pot de départ un mardi soir. Entre les bacs de congélation d’embryons et un peu écrasé par leur masse, un réfrigérateur de marque Brandt accueillit les bouteilles de champagne ; il permettait d’ordinaire la conservation des produits chimiques usuels.
J’ai été frappée par l’impression d’entre-deux palpable, réalisé par les mots. Cette incise de la logique inhabituelle, du réfrigérateur entre-deux mais écrasé, de son usage à contre-emploi, toute cette logique du paradoxe, de l’inhabituel, du malaise se retrouve dans ces mots. Un incipit programmatif, bien que décalé. On s’attend en effet à suivre l’histoire de Djerzinskky, de façon chronologique. Certes on la connaît un peu… et puis c’est lui qui fait les découvertes génétiques à la fin. Cepedant la chronologie est morcellée. Et surtout, il partage la vedette avec son demi-grère Bruno. Et en définitive, ce qu’on retient, c’est la vie sexuelle débridée et finalement malheureuse de ce dernier. Il est comme un bacille sous la loupe du scientifique. Sauf que Michel ne s’occupe pas de lui ; tout ce qui est sentiment humain lui est étranger. Il l’écoute, parle avec lui du meilleur des mondes. Mais il ne compatit pas. Impossible. Car Michel c’est cela : un homme parmi les hommes, mais un peu entre-deux, un peu écrasé, vivant seul. Un réfrigérateur qu’on voudrait emplir de champagne (je pense à son amoureuse, Annabelle) alors qu’il l’est habituellement de fioles multicolores… Un personnage qui n’en est pas vraiment un et qu’on tord à cet emploi. Un homme qui s’efforce de vivre comme les autres hommes, mais qui en est, en définitive, incapable. C’est Bruno qu’on connaît, dont on connaît toute l’intimité, présentée de la plus crue des manières. On le connaît jusqu’à l’écœurement. Michel, lui, on ne le connaît pas, il nous ferait presque pleurer mais on ne le connaît pas, parce qu’il ne fait rien. Rien d’autre que de penser, rien d’autre que de calculer. Et à la fin, ce serait grâce à lui qu’on trouverait cette nouvelle espèce d’hommes, qui connaîtrait le bonheur… Un instrument vous dis-je.
Il m'a semblé que le roman opérait une boucle sur la fin, avec un retour aux origines pour beaucoup, et une folie enfantine pour l'un des personnages. Un retour au paisible après la frénésie de la vie, la quête épuisante de l'asouvissement des désirs, de ces désirs qui jamais ne cessent de croître et qui nous accablent de leur poids infini...
C'est peut-être aussi ainsi (hihi) qu'il faut saisir cette image de l'homme véhiculée par le roman : un entre-deux. Entre le fou de désirs (blessé par la vie toutefois) et le scientifique insensible (sur le visage duquel les larmes peuvent couler). Un homme ordinaire, cet homme auquel le narrateur dit rendre hommage dans le prologue, c'est peut-être lui, l'homme coincé entre deux. Une relecture du moi freudien, en sandwich entre le surmoi intellectuel et le ça sexuel...
En bref (si on peut dire...) : La thèse de Houellebecq est contestable (une humanité asexuée et immortelle peut-elle réellement aspirer au bonheur, en dehors de toute diversité ?) ; son livre est sulfureux, c’est vrai ; ses descriptions des pratiques sexuelles sont quasi cliniques, ça on peut le dire. Pourtant, il y a de la poésie. Pourtant c’est de la littérature. Parce qu’aujourd’hui ce ne sont plus les mœurs et l’ambition qu’on écrit. Tous ces travers humains, nous ne les connaissons que trop bien. Ce qu’on écrit de la modernité, c’est l’intimité, et l’intimité la plus profonde, celle des désirs et du malheur, Eros et Thanatos, tels qu’ils s’expriment en chacun de nous. Houellebecq serait peut-être bien l’écrivain de la modernité… Entre Djian et Werber… Modernité sulfureuse, glauque, mais qui pourtant a la même ambition que toujours : trouver le bonheur.
Je ne dirais pas que j’ai aimé ce livre ; je l’ai lu rapidement, certes ; toutefois certains passages étaient arides ; d’autres véritablement écœurants, presque révoltants. Mais le pire, c’est que ce que Houellebecq décrit, je crois que c’est la vie moderne…
C'est une histoire qui tient en haleine, avec de la joie et des larmes, des passages touchants (on ne sort pas non plus les violons, ça reste du Houellebecq, donc à distance le pathos tout de même!), du trash et pas de glam'... Pas non plus une vie à la Djian dans Impuretés... et pourtant, comme vous le voyez, il m'a fait gloser!
En résumé, je suis heureuse d’avoir enfin lu Houellebecq ; il me tarde de lire la Carte et le Territoire, pour me faire une idée sur celui qui pourrait prétendre au Goncourt cette année.

Mercredi 20 octobre 2010 à 18:38

http://lemonde-dans-leslivres.cowblog.fr/images/machineinfernale.jpgLa machine infernale, Jean Cocteau

Regarde spectateur, remontée à bloc, de telle sorte que le ressort se déroule avec lenteur tout le long d’une vie humaine, une des plus parfaites machines construites par les dieux infernaux pour l’anéantissement mathématique d’un mortel.
Cocteau, dès l’ouverture, nous prévient. Ça va aller très vite, toujours dans le même sens. Une machine infernale est en route, et elle ne s’arrêtera pas. Même si le ressort semble se dérouler avec lenteur, la vie est brève et le destin implacable. La pièce aussi est brève : quatre actes qui sont comme quatre pièces, qui sont chacune un palier, une gare d’arrêt dans cette ascension vers la fin. On pourrait presque les lire indépendamment les uns des autres ces actes en formes de micro-pièces, mais ce serait démonter la machine, et une machine démontée, ça n’avance plus… Or le plus plaisant est de savoir qu’on s’achemine vers une destination, l’ultime destination.
Une destination qui pourtant n'est pas la mort... Angoissant aussi n’est-ce pas ? Mais n’est-ce pas le ressort de toute tragédie ?
Cette voix qui clame la fatalité, dès l’ouverture de la pièce, (réminiscence du chœur antique ?) commence par poser cette sentence implacable : « Il tuera son père. Il épousera sa mère ». L’oracle a parlé. On sait que rien ne pourra y faire. Et surtout, on sait que ce qui va nous être montré, sur la scène (parce que oui, c’est du théâtre tout de même, il ne faudrait pas l’oublier !), c’est l’histoire d’Oedipe. Oedipe, celui à qui sa mère, ayant entendu cette parole fatale de la bouche de Tirésias, Oracle de Thèbes, avait troué les pieds (l’étymologie d’Œdipe est en effet « pieds enflés », en grec) avant de l’abandonner dans la montagne, au milieu des chèvres. Ces pieds qui à l’acte trois le trahissent ; presque… Parce que Jocaste n’en dit rien. Pendant la nuit de noces, morceau de paralittérature (ce passage essentiel de l’oracle ne nous est pas conté par les Antiques), Jocaste et Œdipe tombent de sommeil, cauchemardent, mais ne perçoivent pas leur parenté – que Cocteau, lui s’amuse à leur laisser sous-entendre. Toujours du visible et de l’invisible dans cette pièce, où se côtoient le crédule et l’incrédule, celui qui sait et celui qui ne sait pas. Ceux qui savent tout, qui conduisent la machine, ce sont les dieux. Mais au théâtre, le spectateur n’est-il pas lui aussi une sorte de dieu omniscient ? Surtout quand il s’agit de réactualiser un mythe… Le spectateur voit le fantôme du début, sur les remparts, alors que Jocaste n’entend même pas cette voix implorante avec laquelle son défunt mari Laïus l’appelle. Le spectateur connaît la réponse à l’énigme du Sphinx. Ce spectateur qui sait bien qu’à la fin, Œdipe, le bel Œdipe, finira les yeux crevés…
Fin tragique de ce héros, qui ne voit plus rien, qui ne peut plus rien, qui donc est comme mort...
La cité est sauvée, la peste est dissipée, mais le pharmakôn (le bouc émissaire si vous voulez) lui, a été immolé...
Réécriture d’un mythe… Oui, oui effectivement, Cocteau s’inspire largement de Sophocle. Mais il y a aussi du Shakespeare dans cette pièce. Et presque du Marivaux (le Sphinx tomberait volontiers dans les beaux bras musclés du jeune homme, comme Jocaste dans ceux du jeune soldat. Et les paroles à double sens, hein, le pouvoir des mots et du langage ! On pourrait croire à du marivaudage !) Et presque du Anouilh (oui, lui aussi réactualise les mythes antiques). Il réactualise, sans pour autant faire d’anachronismes. Les paroles sont simples, déniaisées, modernisées, parfois humoristiques. Elles mettent en place une atmosphère universelle, qui participe à cette philosophie de l’humain dont pourrait découler, quelque pessimiste qu’elle soit, la portée symbolique de la pièce : qui que nous soyons, nous sommes pris dans une machine infernale, qui nous rend aveugle à tout, nous abandonnant entre des mains invisibles qui font de nous des pantins. On n’est maître de rien, pas même de son destin. Et même pas besoin de se crever les yeux pour être aveugle et ingénu…
Dédramatiser la tragédie... Pas de grandes envolées lyriques, de grands monologues tragiques, mais des termes du quotidien, que cotoient parfois des consiédrations métaphysiques, politiques (le pouvoir est un grand thème de l'oeuvre!), ou encore de brefs récits... Il y a d'ailleurs l'histoire d'une matrone. Cela vous ferait-il penser à quelque chose? Le Satiricon pardi! Pétrone n'aurait-il pas également mis ici son grain de sel? Ou plutôt de raisin, banquet roman oblige...!
Attention attention cependant, pas de dédramatisation complète, parce qu'on est tout de même en plein drama, autrement dit en pleine action, et en plus, en plein drame familial. On rencontre d'ailleurs Antigone à la fin...
En résumé une machine infernale, avec un style d’enfer, poétique et accessible, des atmosphères variées, du mouvement, des pieds de nez, des doubles sens, du réel et de l’irréel, un monde aux multiples dimensions, bref, une grande œuvre… !
 
 

Dimanche 24 octobre 2010 à 15:27

http://lemonde-dans-leslivres.cowblog.fr/images/IngridBetancourtdecritsesanneesdecaptivitedansMemelesilenceaunefinreference.jpgMême le silence a une fin, Ingrid Betancourt
Me voici arrivée au bout des sept cent pages du livre-témoignage d’Ingrid Betancourt. Me voici arrivée à la fin d’un long périple. Non pas que le livre soit long à lire ; non pas que sa lecture soit laborieuse. Si l’on est heureux d’en finir, c’est parce qu’on sait que pour elle, le calvaire est terminé. Totalement terminé. Enfermé dans ces lignes, dans ces pages douces au toucher, mais qui décrivent la plus grande souffrance. Celle d’être séparée des siens, celle d’être enfermée, celle de ne pas être libre. En privant les otages de la liberté, les FARC les privent de leur dignité, et par extension, de leur humanité. Sans volonté, sans s’accrocher, ils perdraient toute identité. C’est ce qui m’a frappée dans ce livre : tout ce qu’Ingrid Betancourt raconte, ce sont ces marches au bord du précipice, alors qu’elle et ses compagnons manquent de perdre ce qu’ils sont, et ces tremplins vivifiants vers une humanité sauvegardée. Rien de « trash », rien qui ne mette le lecteur en position de voyeur. Juste le récit du parcours d’une femme dans une jungle hostile où tout était fait pour qu’elle perde son identité, son humanité, sa dignité. Le passage le plus dur, le plus terrible, le plus humiliant, est comme rejeté au début. Vomi. Honni. Mais comme toutes les autres horreurs qu’on devine, entre les lignes, Ingrid Betancourt utilise la litote pour mieux les dire. Les grandes émotions sont inexprimables, et elle montre, en ne les effleurant qu’à peine de sa plume, qu’ils sont réels, et doivent être restitués dans toute leur violence. Dans ce cas, l’écriture est de trop ; cette écriture salvatrice mais qui pourtant stylise le réel, le transforme. Ecrire cette souffrance était impossible. Cela aurait été la trahir.  Peut-être que j’extrapole, peut-être n’a-t-elle pas pensé à cela… Mais c’est ce l’impression que me donne son texte.
Un texte qui s’ouvre, in medias res, sur une fuite. Une tentative d’évasion. On ne comprend pas tout. On est entraîné dans cette course effreinée vers la liberté. Une liberté dont on ne saisit pas non plus tout de suite le prix. Mais un chapitre qu’on comprend ensuite, comme étant plus que nécessaire. Un chapitre qui a permis de commencer à écrire, dans une langue offrant la mise à distance. Ecrire suppose de poser des mots le réel ; de se le remémorer avant de le mettre en mots. L’espagnol était la langue des émotions ; le français a été celle de la maîtrise. Transformer le réel en espagnol eut probablement été une trahison trop grande…
Attention toutefois, je ne dis pas que ce qu’elle écrit est fallacieux, mensonger ! Pas du tout ! Je dis simplement que quand on écrit, fatalement, on sélectionne, on transforme, on grossit ou on omet. D’autant plus quand il s’agit de raconter plus de six ans de captivité. Et ce qui est captivant, frappant, c’est que, comme je l’ai dit, ce ne sont pas tous ces détails sordides que l’auteur raconte, tous ces détails qui ont du ponctuer cette vite dans la jungle, entourée de geôliers plus mesquins les uns que les autres le plus souvent, des hommes en plus, enfin bref… ce n’est pas cela qu’elle raconte le plus. Malgré les petites bêtes piquantes, malgré les blessures, malgré la saleté et le manque de nourriture, ce qu’on retient de ce livre, ce sont tous ces moments d’humanité, tous ces tremplins salvateurs qui lui ont permis de survivre. Tout ce qui touchait à la liberté, si infime soit-elle, tout ce qui avait trait à l’amitié, à la culture, tous ces stratagèmes pour tromper le désoeuvrement, bref, tous ces effrots surhumains pour, justement, rester humain dans un environnement qui n’avait nullement, lui, visage humain.
La jungle, ou la prison naturelle. Au milieu de cette jungle, un campement. Nomade le campement. Forcément, il ne faut pas se faire attraper par l’armée colombienne. Et dans ce campement, des baraquements, et souvent, trop souvent, des chaînes. Si l’on continue à ouvrir les poupées russes, ce qu’on trouve, c’est une humanité enchaînée, enchaînée à des hommes qui ont droit de vie ou de mort sur elle, enchaînée à des instincts de survie, mais parfois, aussi, enchaînée plus que tout à l’espoir. Parce que la plus petite poupée, celle qui est enfermée dans tout ça, c’est le cœur, le cœur capable d’aimer, de compatir, cherchant à ne jamais flancher. La dignité, le désir de liberté, voilà ce qui le meut. Moteur de toute vie, il est ce qui a permis à Ingrid Betancourt et ses compagnons de survivre. Malgré la pluie, malgré les nuits d’insomnie, malgré les mauvais traitements. Et ce sont les moments où ce cœur était à l’unisson des instants d’humanité que l’esprit a, semble-t-il, le mieux gardés en mémoire.
La vie en captivité est une vie terrible, mais une vie quand même. Il y a les compagnons qui se succèdent, la politesse faisant place à la jalousie, la jalousie à l’exaspération, l’exaspération à la réclusion. Parmi ces compagnons, il peut y avoir des amis. Lucho et Marc, la famille qui fut la sienne dans la jungle. Et puis les gardes, les sergents, les guerrilleros, les guerrillera, les FARC qui s’occupaient d’eux, les gardaient, indifférents, mais parfois se confiant, améliorant le quotidien, riant, et même, pour certains, ayant soif d’apprendre. Ils vivent aussi leur vie, une vie étrange, dans la jungle. Mais c’est leur vie ; une vie quand même. Ingrid s’attache à évoquer ces hommes, ces femmes, qui eux aussi rêvaient de liberté, s’étant enchaînés de leur plein gré à la vie militaire pour échapper à la rudesse de la vie civile. On cherche tous une vie meilleure. Certains se contentent de la jungle, alors que pour d’autres, l’espoir est ailleurs. Autant de destins croisés, autant d’hommes et de femmes emprisonnés.
La spiritualité et les mots ont aidé Ingrid Betancourt à survire dans la jungle. Encore une fois, les mots lui ont permis de se tourner toute entière vers sa nouvelle vie.
Est-ce la peine de vous dire que j’ai beaucoup aimé ce livre ? Admirablement écrit – quand on sait que la langue maternelle de l’auteur n’est pas le français-, dans une volonté de justesse et de précision, sans chercher à faire dans le sordide commercial, c’est une œuvre qui émeut et fait réfléchir à la fois. On ne s’apitoie pas sur le sort des otages, mais on vibre avec eux de cette volonté qui ne les lâche pas et les conduit, chaotiquement mais inexorablement, vers la liberté.
Je ne pouvais ni ne voulais résumer ces sept cent pages. Ingrid le fait, de toute manière, mieux que moi. Le plus intéressant étant, ce me semble, de réfléchir sur le combat d’une femme, qui lutte alors qu’autour d’elle, tout est silence.

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