David Lodge, ou la plume acérée
Je viens de terminer un de ses romans, et il me semble qu’ainsi la bonne occasion se présente pour parler des œuvres de cet auteur britannique que j’apprécie particulèrement.
Le roman dont je viens de tourner la dernière page a pour titre Jeux de Maux. A lui tout seul, il est un indice du genre de roman que peut écrire David Lodge : de l’humour, de la satire, et des jeux de mots. Il s’agit bien ici d’une étude de mœurs, dans laquelle l’auteur, comme à son habitude, observe, traque, expose, fustige et raille de façon subtile la société britannique.
La première scène du roman a lieu dans une église, en 1950, autour d’un groupe de jeunes étudiants catholiques venus gagner leur ciel en se rendant à la messe matinale quotidienne. Des garçons, des filles, tous préoccupés par deux choses : leur salut, et le sexe. Nous allons suivre le parcours de ces jeunes gens pendant 25 ans, leurs rencontres, comment ils ont perdu leur virginité, leurs mariages, leurs problèmes, leurs séparations parfois, et leurs obsessions intimes. La manière qu’ils ont d’appréhender les relations conjugales va évoluer, et avec elle la vision qu’en a l’Eglise. En plus d’une étude de mœurs, David Lodge nous dresse une intéressante fresque des rapports entre Eglise, sexe et contraception, entre 1950 et 1975.
C’est un roman sans langue de bois, dans la pure lignée post-moderniste – l’auteur s’adresse directement au lecteur, qui a conscience d’être dans une fiction-, une gageure pour une œuvre dont le thème est justement l’un des plus grands tabous de l’Eglise. Je le recommande à ceux que ces questions intéressent, mais également à tous ceux qui veulent passer un bon moment.
Tous les romans de David Lodge – et bien que n’en ayant lu que peu, je ne pense pas exagérer !- ont cette pointe d’humour sarcastique qui rend leur lecture si divertissante. On s’empresse de tourner les pages, et l’on ne s’ennuie pas un seul instant. Le regard qu’il porte sur la société du XXème siècle est tranchant, il incise directement, dans le vif, et l’euphémisme lui est inconnu. Il dénonce sans ambages les vices des hommes modernes, et surtout des intellectuels. En effet, un certain nombre de romans de Lodge ont pour théâtre le milieu universitaire – un de mes espaces littéraires favoris, je ne saurais le répéter ! En couplant réalisme et modernisme expérimental, cet auteur, qui est lui-même professeur de littérature, nous dresse un portrait au vitriol des milieux intellectuels et universitaires. Il s’illustre de cette manière dans un genre appelé « campus novel ».
Ainsi, Un Tout Petit Monde est une œuvre dans laquelle se croisent et se recroisent un certain nombre de professeur(e)s, dans des colloques, des conférences et des universités. Souvent, la premier contact se fait dans l’avion (pour les chanceux), ou dans une salle de coktail (pour les studieux), lors d’un débat (pour les verbeux), et si les choses se passent bien - ce qui est souvent le cas entre représentants de la gente intellectuelle londonienne ou new-yorkaise !- les confrères finissent amis, et les consœurs…dans leur lit ! Si j’use de l’aposiopèse, ce n’est jamais le cas de Lodge, qui ne se prive pas de tenir son lecteur au courant des divers types de relations qui se nouent entre les protagonistes. Humour, fraîcheur, aventures diverses, tout est réuni pour que nous faire passer un bon moment.
En bref, les romans de Lodge sont un bon moyen de tromper l’ennui, de sourire, et de voir que non, décidément, ceux qui paraissent les plus sérieux et les plus respectueux de la morale ne sont pas ceux qu’on croit !
Je vous conseille également Pensées Secrètes, l’un des romans les mieux ficelé de cet auteur intarissable, qui mêle amour, physique quantique, étude du cerveau et intimité. Prochainement je parlerai de Changement de décor, que j’ai acheté chez le bouquiniste en même temps que Jeux de Maux, un matin de fringale.