Le Monde dans les Livres

Vendredi 9 juillet 2010 à 15:27

http://lemonde-dans-leslivres.cowblog.fr/images/maupassantfort.jpg Fort comme la mort, Maupassant
 
 Le jour tombait dans le vaste atelier par la baie ouverte du plafond. C’était un grand carré de lumière éclatante et bleue, un trou clair sur un infini lointain d’azur, où passaient, rapides, des vols d’oiseaux.
   Mais à peine entrée dans la haute pièce sévère et drapée, la clarté joyeuse du ciel s’atténuait, devenait douce, s’endormait sur les étoffes, allait mourir dans les portières, éclairait à peine les coins sombres où, seuls, les cadres d’or s’allumaient comme des feux. La paix et le sommeil semblaient emprisonnés là-dedans, la paix des maisons d’artistes où l’âme humaine a travaillé. En ces murs où la pensée habite, où la pensée s’agite, s’épuise en des efforts violents, il semble que tout soit las, accablé, dès qu’elle s’apaise.
 
Ainsi commence ce roman de Maupassant, plus connu pour ses nouvelles, et qui réussit avec brio à nous tenir en haleine tout au long de cette œuvre relativement courte (250 pages). Mais ce texte se distingue de la nouvelle en ce que l’auteur nous offre de nombreuses descriptions de l’âme humaine et des sentiments de ses personnages. Tout est énormément développé, mais sans trop de longueurs. L’incipit est un exemple de ces pages brillantes qui jalonnent le roman.
 
La frontière entre nouvelle et roman est selon moi sensible. L’intrigue est relativement simple : Olivier Bertin, peintre à la renommée déjà bien affirmée, s’éprend d’une femme rencontrée lors d’un dîner mondain : la comtesse de Guilleroy. Il lui propose de faire son portrait, et peu à peu ils s’éprennent l’un de l’autre. La comtesse déploie alors tous ses atouts pour continuer, pendant douze ans, à plaire à son amant. Ils filent une romance secrète sans heurts pendant quelques années, jusqu’au jour où la fille de la comtesse, Annette, revient à Paris après avoir séjourné auprès de sa grand-mère à la campagne. Annette, c’est Anne en miniature, une magnifique jeune fille en devenir, fraîche, vive et belle. On imagine sans peine ce qui se passe alors dans le cœur du peintre quinquagénaire quand il rencontre cette jeune fille, réincarnation de sa maîtresse.
 
 Elle s’appuya sur le bras d’Olivier et ils rentrèrent, marchant ainsi, lui entre elles, sous les arbres noirs. Ils ne parlaient plus. Il avançait, possédé par elles, pénétré par une sorte de fluide féminin dont leur contact l’inondait. Il ne cherchait pas à les voir, puisqu’il les avait contre lui, et même il fermait les yeux pour mieux les sentir. Elles le guidaient, le conduisaient, et il allait devant lui, épris d’elles, de celle de gauche comme de celle de droite, sans savoir laquelle était à gauche, laquelle était à droite, laquelle était la mère, laquelle était la fille.
 
Any, la comtesse, tremble alors qu’elle sent l’amour grandir dans le cœur d’Olivier. Elle ne cesse de se regarder dans le miroir pour observer le passage du temps sur son visage, alors qu’à côté d’elle, sa fille ne cesse d’embellir. Est né un amour fort comme la mort. Olivier est nerveux, jaloux, malheureux. Il ne peut s’empêcher de voir en Annette, alors qu’elle porte la toilette noire du deuil, le portrait de la comtesse réalisé dix ans plus tôt. La force de cet amour né de la confusion est sans mesure et la souffrance sans remède. Il est condamné à aimer. Seule la mort pourrait mettre un terme aux douleurs de son cœur. Mais quelle mort ? Celle de la comtesse, qui permettrait à Olivier de réaliser sa passion pour Annette ? L’être aimé surmontant en quelque sorte l’obstacle de la mort en laissant son double sur terre, et offrant ainsi à Olivier la possibilité de revivre une seconde jeunesse auprès de son seul mais double amour ? S’eût pu être une bonne histoire, un peu fantastique… Mais voyez plutôt ce que ce professionnel de la chute nous réserve…
 
Avec sa plume lucide et sensible, Maupassant nous délecte de ce drame d’amour, de ce drame des passions, mais aussi de scènes de la vie publique et artistique de l’époque. L’analyse est juste et directe. Le personnage d’Olivier est étonnant : un artiste à l’automne de sa gloire, toujours célibataire, et qui connaît tout de même les caprices de la passion. On est davantage habitué aux histoires d’idylles naissant entre deux jeunes gens, rarement entre un presque vieillard et une jeune fille de dix-huit ans. Mais Annette, de toute manière, n’aime Olivier que comme un bel-ami, qu’il n’est pas… (C’est une réflexion sur le passage du temps et le vieillissement que nous propose ici l’auteur…)
 
Un sympathique roman, dont la fin m’a cependant un peu déçue ; en outre, Maupassant prend le temps de poser son intrigue, et les cent premières pages sont un peu frustrantes. Il ne s’épanche pas sur le récit de l’idylle entre le peintre et la comtesse, et laisse le temps à la passion de Bertin pour Annette de s’installer, à mots couverts, tout doucement, sentiment né de la confusion et du refus de voir le passage du temps. C’est comme si le texte mimait cette avancée subtile de la passion lorsqu’elle s’immisce dans le cœur de l’homme. Mais aussi beau que cela soit, on attend que quelque chose se passe… Heureusement tout s’accélère à partir de la deuxième partie, et la suite se lit très rapidement. Ces lenteurs narratives et les brusques accélérations de l’intrigue font selon moi de ce roman un genre un peu hybride, entre le roman et la nouvelle.
 
Les personnages d’Olivier et de la comtesse sont très développés, le romancier nous donnant même accès à leur intériorité. Mais beaucoup d’autres personnages ne sont que des esquisses, comme le conte de Guilleroy, qui n’a rien du mari jaloux de Vaudeville, et qui semble aveugle à tout. De même, le marquis, futur mari d’Annette, est sans substance. Cette dernière ne semble par ailleurs exister dans le texte que comme ce qu’elle est, un reflet de sa mère, pâle reflet pour le lecteur, étincelant aux yeux du peintre, puisque symbole de cette jeunesse perdue pour lui.
 
En résumé, un roman agréable, simple mais si bien écrit… Du Maupassant ! Toutefois, on pourrait reprocher à certains passages d’être comme inachevés, à d’autres de ne pas être assez développés, alors que certains flirtent avec le trop… Un esquisse de pleins et de déliés, qui laisse finalement libre court à l’imaginaire du lecteur.
 
(toute petite image, mais j'essaie toujours de mettre la couverture du roman tel que je l'ai lu, et là, c'était une vieille édition...)

Mercredi 9 février 2011 à 0:02

http://lemonde-dans-leslivres.cowblog.fr/images/pierreetjean.jpgPierre et Jean, Maupassant
Jean est blond, Pierre est brun. Le premier est calme, serein, alors que le second est sanguin. Ils n’ont rien en commun, et pourtant ils sont frères. Pierre et Jean. Dès le titre, il semble qu’ils avancent main dans la main. Dans la première scène du roman, ils rament ensemble ; mais on sent déjà qu’il y a des dissensus, des désaccords, des jalousies. Entre eux deux, dans cette barque qui vogue sur la mer dans le port du Havre, il y a leur mère, leur père et Madame Rosémilly, une jeune veuve. Bien entendu, elle n’attend que cela, se faire épouser par l’un d’eux. Mais lequel ?
On pourrait croire qu’ainsi continuera le roman ; sur un banal argument de roman sentimental, une jalousie entre frères qui convoitent la même femme. Mais j’ai envie de dire, dans ce cas, autant refermer le livre. Pourtant ce n’est surtout pas ce qu’il faut faire ici. Laissez-leur le temps de descendre de la barque, de rentrer chez eux, et d’écouter leur bonne. Les bonnes sont souvent porteuses d’un message qu’il est bon d’entendre, puisqu’il influera sur la suite de l’histoire…
Bon je cesse de vous faire languir, d’autant que tout le monde connaît Pierre et Jean (de près ou de loin, c’est certain !). Mais comme je les ai cotoyés de près au cours d’un voyage en train, je vais vous dévoiler ce qu’il va se passer pour eux. Oh pas tout bien sûr, ce serait gâcher le suspense. Néanmoins je préviens ici l’aimable lecteur que certains éléments vont être dévoilés, qui pourraient nuire à la surprise… Je vous aurais prévenus !
Alors voilà. Pierre et Jean rentrent chez eux, avec leurs parents, Madame Rosémilly et sans poissons (oui, il s’agissait d’aller à la péche). Maupassant plante le décor, une maison étroite, rue Belle-Normande (tout un programme !) Et voilà que Joséphine, la jeune bonne de dix-neuf ans, leur lance : « Il est v’nu un m’sieu trois fois. » Mais qui donc ?! « Un m’sieu d’chez l’notaire. »
Nous y voilà. Il va donc être question de gros sous… Attention, à partir de cet instant, une partie de l’intrigue va être dévoilée…
Le notaire vient rendre compte de la situation : « M. Maréchal est décédé. » M. Maréchal, ce vieil ami de la famille ! Et à qui lègue-t-il sa fortune ? Aux deux frères ? A la famille ? Et bien non. Au seul Jean, le blond.
A partir de cet instant tout bascule pour Pierre. La jalousie s’empare peu à peu de lui ; il commence à élever des soupçons à l’égard de son frère. Des soupçons qui restent très vagues au début, puis qui se dessinent, peu à peu. Pierre superpose les traits de son frère avec ceux, bien flous, du souvenir qu’il a gardé de ce Maréchal. Pour éclaircir ses soupçons, il demande à sa mère le portrait qu’elle a de cet homme (étrange ça aussi…) Et là, tout s’éclaire !
J’arrête là, je ne parlerai dorénavant que par suggestions. Pierre et Jean est donc le roman de la bâtardise, comme souvent dans les romans (c’est Marthe Robert qui le dit !). Sauf qu’ici, ce sera le fils légitime qui sera emporté par la mer (Pierre, médecin, s’engage à bord d’un paquebot). Le fils illégitime, naît de l’amour mais hors-mariage, restera profondément attaché à sa mère et même, épousera la jeune veuve (j’en dis davantage que je ne voulais…). Etrange tout cela... L’œuvre elle-même pose question, de part sa bâtardise. En effet, elle oscille entre roman et nouvelle. Nouvelle par sa brièveté et son thème, celui du secret à découvrir. Mais une fois découvert, ce secret ne provoque pas les désordres escomptés… On peut dès lors se poser des questions sur la nature de ce qui appartiendrait à la catégorie des courts romans.
Et puis il y a aussi ce qu’on connaît peut-être encore plus que le roman lui-même : sa préface. La préface de Pierre et Jean… Qui en fait n’en est pas vraiment une ; plutôt une étude sur le roman. Il nous y expose son point de vue sur l’art, l’artifice, la volonté des écrivains naturalistes et réalistes de « faire vrai », alors même que « la vérité dans la vie diffère de la vérité dans le livre ». Faire vrai consiste à donner l’illusion complète du vrai, suivant la logique ordinaire des faits, et non à les retranscrire servilement dans le pêle-mêle de leur succession. Il en conclut ainsi que les Naturalistes de talent devraient plutôt s’appeler des Illusionnistes.
Enfin bref, il dit beaucoup de choses dans cette préface, des choses très intéressantes, sur lesquelles il me faudra me replonger. Tiens, une transition parfaite pour la dernière chose que je voulais dire, idée que j’ai copiée au commentaire de l’œuvre que j’ai survolé rapidement. Pourquoi la plongée ? Tout simplement parce que Pierre et Jean se passe au bord de la mer, qu’ils passent du temps à pécher et que le motif aquatique est fortement présent. Limpidité de l’eau comme du langage utilisé ici, mais aussi miroir de la surface sur lequel l’œil regarde et où se réfléchit le monde, en passant par le fond de l’eau, jusqu’à brouiller la vue. Bref, l’illusion de la représentation finit par être brisée. On ne peut pas représenter le réel tel qu’il est…
Une œuvre plaisante, rapide à lire, où s’alternent les points de vue omniscients et la focalisation interne (toujours du point de vue de Pierre), et dont la richesse est encore insoupçonnée… Je lirai peut-être plus attentivement le commentaire, une autre fois. Bonne nuit !

Jeudi 10 mars 2011 à 18:33

http://lemonde-dans-leslivres.cowblog.fr/images/UnevieGuydeMAUPASSANT.jpgUne vie, Maupassant
C’est long une vie ; c’est parfois gai, parfois triste ; et puis ça réserve des surprises.
Celles de Jeanne, l’héroïne de ce roman de Maupassant, sont plutôt mauvaises… La vie n’est pas tendre avec elle.
A peine sortie du couvent, elle tombe amoureuse de l’amour ; et puis il s’incarne. Alors tout va très vite. Vraiment très vite ; au point qu’elle passe à côté du bonheur tant rêvé. Julien, l’homme qu’elle épouse, s’avère être un obsédé sexuel, qui couche avec tout ce qui bouge (ou presque). Pauvre Jeanne, qui avait tant rêvé de grands désirs d’amour, de balades romantiques, de clairs de lune amoureux… En définitive elle n’a que son lit vide, sa mère obèse, la tante Lison et son papa. Son papa, le seul homme de sa vie. Si on y regarde de près, l'inceste est soupçonnable (tendancieux Guy !). Le seul qui l’accompagne, la comprenne, la défende. Tante Lison, elle, regarde les choses se passer, émue mais toujours silencieuse. L’auteur ne l’évoque que peu, il la raille et la rabaisse, et pourtant, Tante Lison, c’est la seule à qui il n’arrive pas de malheurs. Elle visite la vie, solitaire et froide, mais peut-être pas plus malheureuse que les autres. Enfin bon, l’auteur l’expédie quand même au fond de la tombe en une page, avec papa… Dur…
Et cet enfant que Jeanne a eu avec Julien, répondant au ridicule sobriquet de Poulet (Paul pour les intimes), quel ingrat ! Bon d’accord avec une mère pareille, possessive jusqu’à la suffocation, il n’y a pas de quoi se laisser aller la vampirisation. Mais quand même, pauvre Jeanne !
Hystérique, folle, névrosée, Jeanne n’est vraiment pas gâtée par la vie. On la traverse avec elle en se disant que, décidément, on n’aimerait pas avoir la même. Tous les jours se ressemblent, tout est toujours pareil ; la promenade de maman, la visite aux voisins (l’occasion pour le mari de prendre du bon temps), la visite de papa et maman, de temps en temps, quand on laisse le ménage à ses amours… Et cette bonne qui accouche en plein milieu de la chambre ! Toutefois, à la fin, elle revient Rosalie, elle revient et elle sert dignement sa maîtresse. Une bonne fille.
L’auteur, en plus, ne ménage pas son héroïne. On sent toute l’ironie dont il est capable pointer derrière certains mots, certaines phrases. Pas facile d’être l’héroïne de sa vie, encore moins de ce roman.
Ceci dit, il est formidable.
Et mon article est ridiculement court...

Mercredi 29 juin 2011 à 22:58

http://lemonde-dans-leslivres.cowblog.fr/images/lehorla.jpg
 Le Horla, Guy de Maupassant

Des dates, un narrateur, de la fièvre, des cauchemars, des phénomènes étranges. C’est ce que l’on découvre au fil de cette nouvelle, sous forme de journal intime. Celui d'un narrateur qui sent monter en lui la fièvre et la folie. La nuit il fait des cauchemars, seul dans sa maison. Il a l’impression que quelqu’un est là, au-dessus de lui, qui l’épie, qui le guette. La nuit devient pour lui une menace. Il consulte le médecin mais rien à faire ; l’angoisse et la fièvre persistent.

Cette nuit, j’ai senti quelqu’un accroupi sur moi, et qui, sa bouche sur la mienne, buvait ma vie entre mes lèvres. Oui, il la puisait dans ma gorge, comme aurait fait une sangsue. Puis il s’est levé, repu, et moi je me suis réveillé, tellement meurtri, brisé, anéanti, que je ne pouvais plus remuer.

Il y a quelqu’un. Cette personne, cet être, n’est pas identifié. Peut-être pas identifiable. Là réside le mystère. Ce qui arrive est-t-il réel ou tout droit sorti de l’imaginaire du personnage ? Là se situe la frontière entre le merveilleux et la réalité, une terra incognita qu’on appelle le fantastique.

Au lieu de conclure par ces simples mots : « Je ne comprends pas parce que la cause m’échappe », nous imaginons aussitôt des mystères effrayants et des puissances surnaturelles.

Telle est la puissance de l’imaginaire humain…

Cette nouvelle est purement fantastique dans la mesure où on balance sans cesse entre l’explication rationnelle et la pure fiction. Ce qui arrive au narrateur est déroutant. Certes on peut penser qu’il s’agit bien de cauchemars liés à la fièvre, au début. Mais dès lors qu'il réalise certaines expériences, on se voit dans l’obligation de douter.

6 juillet.- Je deviens fou. On a bu toute ma carafe cette nuit ;- ou plutôt, je l’ai bue ! Mais est-ce moi ? Est-ce moi ? Qui serait-ce ? Qui ? Oh ! mon dieu ! Je deviens fou ! Qui me sauvera ?

10 juillet.- Je viens de faire des épreuves surprenantes. Décidément, je suis fou ! Et pourtant ! Le 6 juillet, avant de me coucher, j’ai placé sur ma table du vin, du lait, de l’eau, du pain et des fraises. […] Le 9 juillet enfin, j’ai remis sur ma table l’eau et le lait seulement, en ayant soin d’envelopper les carafes en des linges de mousseline blanche et de ficeler les bouchons. Puis, j’ai frotté mes lèvres, ma barbe, mes mains avec de la mine de plomb, et je me suis couché. L’invincible sommeil m’a saisi, suivi bientôt de l’atroce réveil. Je n’avais point remué ; mes draps eux-mêmes ne portaient pas de taches. Les linges enfermant les bouteilles étaient demeurés immaculés. Je déliai les cordons, en palpitant de crainte. On avait bu toute l’eau ! On avait bu tout le lait ! Ah ! mon Dieu !... Je vais partir toute à l’heure pour Paris.

Niveau protocole expérimental, il n’a rien à envier à la science, ou presque. Pourtant, malgré toutes ces précautions, les résultats sont plus que troublants. Dès lors, soit on estime que ce qui se passe a une origine surnaturelle, soit est issu de l’imagination fertile et un peu maladive du personnage (et par extension, du romancier). Une valse hésitation, qui permet de ranger ce texte dans le troublant tiroir du fantastique.

Peu à peu le narrateur parvient à mieux cerner celui qui le hante, et presque à le voir. Il dit rester lucide sur sa condition, être un halluciné raisonnant. Comme Nerval dans Aurélia, il semblerait que le personnage tienne à que ce qu’il avance ne passe pas pour la folie d’un fou. Il tient à convaincre le lecteur, ou plus probablement lui-même, que ce qui lui arrive n’est pas une farce de son imaginaire, mais le fait d’un être qui existe réellement. Cet être, c’est le Horla.

Malheur à nous ! Malheur à l’homme ! Il est venu, le…le…comment se nomme-t-il…le…il me semble qu’il me crie son nom, et je ne l’entends pas…le…oui…il le crie… J’écoute… je ne peux pas…répète… le… Horla… J’aientendu… le Horla… c’est lui… le Horla… il est venu !...

Bien que ce soit un journal, il semble que les impressions du narrateur soient saisies sur le vif, au moment même où il les vit. Ce peut être le cas. C’est le principe du journal ; saisir sur le vif les évènements de la journée. Tout est orchestré par cette angoissante folie qui s’empare du personnage, et rend l’histoire palpitante, haletante, un peu effrayante… On ne sait que croire, et c’est ça qui est prenant.

Cet être, ce Horla, l’oppresse, le poursuit. Il essaie de le fuir, part en voyage, s’échappe, s’évade. Mais s’il est dans sa tête, difficile de l’en déloger. S’il est dans sa maison, le mieux est d’y mettre le feu. Mais s’il est dans sa tête… ne reste que le suicide…

 

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