Un amour de Swann, Marcel Proust
Je ne pouvais commencer ce blog sans parler d'un de mes auteurs favoris, si ce n'est mon auteur favori : Proust. Cela tombe bien, car j'ai eu envie de relire un passage de son oeuvre récemment; mon article est donc tout chaud, tout droit sorti de ma lecture.
C’est la deuxième fois que je me lance dans la lecture d’un amour de Swann de Marcel, et je dois dire que malgré mon amour pour cet auteur, j’ai été un peu déçue. Dans cette deuxième partie du Côté de chez Swann, premier tome de la Recherche du Temps Perdu, on retrouve bien sûr le style inimitable de Proust, avec ses longues phrases, ses enculages de propositions –comme l’avait si bien dit Cécile Guilbert -, sa brillante analyse de l’esprit humain, et cette précision et poésie de la langue qui rend incomparable et finalement très « réaliste » la transcription textuelle des méandres de l’âme humaine.
C’est la deuxième fois que je me lance dans la lecture d’un amour de Swann de Marcel, et je dois dire que malgré mon amour pour cet auteur, j’ai été un peu déçue. Dans cette deuxième partie du Côté de chez Swann, premier tome de la Recherche du Temps Perdu, on retrouve bien sûr le style inimitable de Proust, avec ses longues phrases, ses enculages de propositions –comme l’avait si bien dit Cécile Guilbert -, sa brillante analyse de l’esprit humain, et cette précision et poésie de la langue qui rend incomparable et finalement très « réaliste » la transcription textuelle des méandres de l’âme humaine.
Résumé : Toutefois l’histoire de Swann est plutôt étonnante et pathétique. Cet aristocrate, rouquin, riche, cultivé, épris d’art et de beauté, cumule les conquêtes amoureuses. Sa particularité est de faire moisson dans les milieux populaires ; il ne compte plus les petites cuisinières, servantes et femmes de chambre avec lesquelles il a eu quelques aventures. Invité chez les Verdurins, dont Proust illustre avec brio les soirées et les dîners « mondains », il y retrouve Odette, une femme qu’on lui avait présentée au théâtre et qu’il n’avait, somme toute, pas trouvée à son goût. Toutefois, le charme opère, lorsqu’un jour Charles (Swann) se rend compte que cette demi-mondaine sans attrait, coquette sans cervelle, ressemble à un portrait de Botticelli, la Zéphora. Pour parfaire cet amour né à travers le prisme de l’art, une petite musique sublime le cadre de leur idylle. C’est la fameuse petite phrase de la sonate de Vinteuil si chère à Swann, et qui devient pour eux l’hymne de leur amour. Dès lors, l’amour de Swann pour Odette ne va cesser de croître, et avec lui, sa jalousie. Une bonne moitié du livre (relativement petit au regard du reste de l’œuvre de Proust) est consacrée à ce défaut qui s’accentue chez le jeune homme au point d’en devenir maladif. On se croirait face à un Frédéric Moreau mondain et cultivé, mais que l’amour – ou le sentiment factice de l’amour à travers les arts- rend pathétique. Swann souffre, devient fou, cherche tous les moyens de découvrir l’infidélité d’Odette. Proust analyse avec brio cette maladie de l’amour qui est loin d’être l’apanage du XIXème siècle.
Le titre peut revêtir de multiples significations, et le terme « amour de...» revient à plusieurs reprises dans le texte. Selon moi, Swann n’a pas un, mais plusieurs amours : l’art, ma musique, les femmes ; mais pas Odette. C’est ce qui fait toute l’originalité de petit roman d’amour.
Pourquoi alors ai-je été déçue ? Probablement parce que ce roman à la troisième personne, dans l’œuvre de Marcel dans laquelle il dit « je », me plaît moins et est moins originale que le reste de l’œuvre, dans laquelle le jeune narrateur nous décrit ses pensées, ses rencontres, ses amours, ses chagrins, ses déceptions, et son parcours pour devenir écrivain. L’usage de la première personne par ce narrateur fictif confère une profondeur au récit que n’a pas un amour de Swann. Je me retrouve davantage dans les pensées de Marcel que dans celles Swann ; toutefois, ceci est tout à fait personnel, et est probablement lié au fait que je me sente plus proche du jeune écrivain en herbe que du jaloux.
Dans cette deuxième partie du Côté de chez Swann, il me semble que Proust parvient à mêler tout ce qui a pu se faire avant lui en matière de roman : à la poésie se joint l’analyse précise de l’âme humaine et d’un tempérament, la jalousie, qui a quelque chose du naturalisme. Avec Proust, l’art du roman comme analyse de l’intériorité a trouvé un point d’aboutissement, via le mélange des arts et les anneaux littéraire de son style.
Alors, Proust suranné, Proust illisible, Proust monument insurmontable ? Il ne faut pas prendre peur face à la longueur de l’œuvre, à cette cathédrale dont l’architecture est faite de longues phrases, dont la complexité des constructions rend parfois les idées évoquées complexes. Proust dit beaucoup de choses à qui veut bien s’efforcer de le lire. Lire la langue de Proust est un peu comme lire une langue étrangère – lui-même a dit que les beaux livres étaient écrits dans une sorte de langue étrangère. C’est comme lire Montaigne, ou Mrs Dalloway en anglais, voire même Joyce en français. Il faut s’adapter, épouser les contours de cette petite musique qui parle au cœur. Je comprends que beaucoup soient réticents à se lancer dans une telle lecture. Mais il faut prendre son temps, ne pas se forcer, relire deux ou trois fois les premières pages pour s’adapter au style, retrouver l’air de cette musique, comme on se réapproprie un univers, une chambre dans laquelle on n’a pas dormi depuis longtemps. La première nuit n’est pas toujours la meilleure mais ensuite, quel plaisir quand elle nous est devenue familière !
A la lecture de La Recherche, il s’opère cette magie liée la perspective proustienne du style : chaque écrivain porte en lui un monde, et si le lecteur y adhère, il est surpris et émerveillé de retrouver formulé ce qu’il avait toujours pensé mais qu’il n’aurait jamais pu dire ainsi. Bien que la vie du jeune Marcel n’ait rien à voir avec la notre, les analyses proustienne de l’âme humaine ont quelque chose d’universel, qui peut parler à chacun.
A la lecture de La Recherche, il s’opère cette magie liée la perspective proustienne du style : chaque écrivain porte en lui un monde, et si le lecteur y adhère, il est surpris et émerveillé de retrouver formulé ce qu’il avait toujours pensé mais qu’il n’aurait jamais pu dire ainsi. Bien que la vie du jeune Marcel n’ait rien à voir avec la notre, les analyses proustienne de l’âme humaine ont quelque chose d’universel, qui peut parler à chacun.
Pour moi, l’œuvre de Proust est comme une partition, dans laquelle chacun peut retrouver sa petite phrase de la sonate de Vinteuil, cette petite phrase qui émeut tant.
C’est ce qui m’a toujours plu chez Proust : l’impression de se retrouver, de voir écrites ses pensées les plus intimes, de lire dans un style qui transcende toute pensée ce qu’on peut ressentir, bref, l’impression d’être chez soi.
Extrait :
Extrait :
[…]le plaisir fut […]profond et devait exercer chez Swann une influence durable, qu’il trouva à ce moment-là dans la ressemblance d’Odette avec la Zéphora de ce Sandro di Mariano auquel on donne plus volontiers son surnom populaire de Botticelli […]. Il n’estima plus le visage d’Odette selon la plus ou moins bonne qualité de ses joues et d’après la douceur purement carnée qu’il supposait devoir leur trouver en les touchant avec ses lèvres si jamais il osait l’embrasser, mais comme un écheveau de lignes subtiles et belles que ses regards dévidèrent, poursuivant la courbe de leur enroulement, rejoignant la cadence de la nuque à l’effusion des cheveux et à la flexion des paupières, comme un portrait d’elle en lequel son type devenait intelligible et clair.
Il la regardait ; un fragment de fresque apparaissait dans son visage et dans son corps, que dès lors il chercha toujours à y retrouver, soit qu’il fut près d’Odette, soit qu’il pensât seulement à elle, et bien qu’il ne tînt sans doute au chef-d’œuvre florentin que parce qu’il le retrouvait en elle, pourtant cette ressemblance lui conférait à elle aussi une beauté, la rendait plus précieuse. Swann se reprocha d’avoir méconnu le prix d’un être qui eût paru adorable au grand Sandro, et il se félicita que le plaisir qu’il avait à voir Odette trouvât une justification dans sa propre culture esthétique.
Ajout de dernière lecture :
J'ai récemment rencontré dans une bouquinerie superbe, dans laquelle les livres étaient comme des pièces de musée, une biographie de Marcel des plus merveilleuse. L'auteur est Claude Maurois, un académicien, et son titre des plus orginal : A la recherche de Marcel Proust. J'ai véritablement adoré cette biographie très bien écrite et éclairante. De plus, pour ajouter au charme de l'ensemble, des pages n'étaient pas encore coupées...!
Bref, un livre que je conseille, mais une lecture trop intime pour que j'y consacre un article complet! (en plus qu'aurais-je pu ajouter de plus que ce que l'auteur dit déjà si bien?).
NB : Il n'y a qu'une boutade dans cet ajout.