Béatrix, Balzac
J’ai attendu trop longtemps avant de parler de mon auteur de prédilection, celui que j’ai commencé à aimer il y a longtemps, celui qui a précédé Proust dans mon cœur de lectrice : ce cher et honoré de Balzac (admirez le jeu de mot !). Honte à moi, non seulement il a été relégué à la deuxième place, mais en plus cela fait longtemps que je n’ai pas ouvert un de ces romans. Pourtant j’ai très envie de vous parler de l’un d’eux, que j’ai découvert dans une librairie l’été dernier, et que j’ai dévoré sur un transat’ au soleil…
Résumé : Calyste du Guénic, jeune provincial sont la famille est établie en Bretagne, voit sa vie bouleversée lorsqu’arrive au domaine des Touches Félicité, dite Camille Maupin. Chaque jour il se rend de Guérande aux Touches, visiter cette initiatrice. Mais Calyste n’en est qu’aux prémisses de cette éducation sentimentale ; son jeune cœur est encore sensible à la moindre passion qui vient l’effleurer. Ainsi, quand arrive chez Félicité la brune, une des ses amies, la Marquise de Rochefide, le sang de Calyste ne fait qu’un tour, et sa passion avec.
« Les blondes, reprit-elle, ont sur nous autres brunes l’avantage d’une précieuse diversité : il y a cent manières d’être blonde, il n’y en a qu’un d’être brune. Les blondes sont plus femmes que nous, nous ressemblons trop aux hommes nous autres brunes françaises. Eh bien, dit-elle, n’allez-vous pas tomber amoureux de Béatrix sur le portrait que je vous en fait, absolument comme je ne sais quel prince des Mille et Un Jours ? […]
« Malgré son état de blonde, Béatrix n’a pas la finesse de sa couleur ; elle a de la sévérité dans les lignes, elle est élégante et dure ; elle a la figure d’un dessin sec, et l’on dirait que dans son âme il y a des ardeurs méridionales. C’est un ange qui flambe et se dessèche. Enfin ses yeux ont soif. »
« Malgré son état de blonde, Béatrix n’a pas la finesse de sa couleur ; elle a de la sévérité dans les lignes, elle est élégante et dure ; elle a la figure d’un dessin sec, et l’on dirait que dans son âme il y a des ardeurs méridionales. C’est un ange qui flambe et se dessèche. Enfin ses yeux ont soif. »
Voici le portrait que fait Camille de cette rivale, contre laquelle elle perdra la partie et finira au couvent. Béatrix quant à elle, séductrice et femme fatale, ne succombe pas immédiatement aux avances de Calyste. Celui-ci, désespéré de ce manque d’attention, profite d’une ballade pour la pousser dans un précipice…
Si depuis ce jour Béatrix aime Calyste, ce n’est pas pour autant qu’elle renonce aux devoirs que lui impose la société. Elle refuse de renoncer à sa passion pour le musicien Conti, et repousse les brûlantes tentatives du jeune homme. Celui-ci découvre alors, comme toujours dans les romans balzaciens, la corruption et l’égoïsme de la capitale. Il épouse par convenance une jeune femme de bonne famille, Sabine, qui lui rappelle Béatrix mais qui n’est pas elle. Jusqu’au bout on se demande si elle finira par devenir sa maîtresse… Pour le savoir, je vous conseille vivement de lire ce roman, un des plus agréables que j’ai lu de cet auteur. Il y a de nombreux dialogues, des lettres et finalement, assez peu de descriptions par rapports à l’habitude.
Les thèmes abordés – la femme, la province, la passion amoureuse- sont des topoï romanesques, mais ils sont traités ici avec une telle précision et une telle élégance qu’il ne faudrait pas passer à côté. « A toutes les époques, les passions sont les mêmes. »
Georges Sand a inspiré le personnage de Félicité, la brune ; Marie d’Agoult celui de Béatrix. Cette dernière participe de l’ange et du démon. Chez Balzac, la femme est Fleur, Ange et Fille d’Eve. Elle est belle, mystérieuse, mais aussi séductrice et tentatrice. Béatrix est une sorte de Célimène moderne, qui excelle dans l’art de la comédie. On peut trouver étonnant qu’elle tombe amoureuse de Calyste après que celui-ci l’ait poussé dans un précipice… peut-être est-ce un goût pour la danger qui a provoqué cela chez elle ; ou bien le jeune homme a-t-il ainsi revêtu à ses yeux une dimension téméraire que ne lui permettait pas son costume de novice inexpérimenté en matière d’amour… Comme dans la Duchesse de Langeais, il apparaît dans ce roman que les femmes s’attachent à ce qui les fait souffrir...
Georges Sand a inspiré le personnage de Félicité, la brune ; Marie d’Agoult celui de Béatrix. Cette dernière participe de l’ange et du démon. Chez Balzac, la femme est Fleur, Ange et Fille d’Eve. Elle est belle, mystérieuse, mais aussi séductrice et tentatrice. Béatrix est une sorte de Célimène moderne, qui excelle dans l’art de la comédie. On peut trouver étonnant qu’elle tombe amoureuse de Calyste après que celui-ci l’ait poussé dans un précipice… peut-être est-ce un goût pour la danger qui a provoqué cela chez elle ; ou bien le jeune homme a-t-il ainsi revêtu à ses yeux une dimension téméraire que ne lui permettait pas son costume de novice inexpérimenté en matière d’amour… Comme dans la Duchesse de Langeais, il apparaît dans ce roman que les femmes s’attachent à ce qui les fait souffrir...
Le personnage de Calyste est de ce fait assez archétypal, mais également complexe : jeune provincial poursuivant son éducation sentimentale à la ville, il a quelque chose de Lucien de Rubempré et de Rastignac, puisqu’il réussit en épousant une femme pour sa dot. Mais cette dernière action le rend lâche... Tout ceci me donne envie de relire le roman pour élucider toutes ces questions. Mais si quelques uns l’ont lu, tous les commentaires seront les bienvenus pour rafraîchir ma mémoire et éclairer ma lanterne.
Une dernière petite chose : ce roman développe le thème de la condition féminine au XIXème siècle. Trois femmes principales se partagent l’amour de Calyste dans ce roman : Félicité, femme de lettres piquante de quarante ans – si trente ans est le sommet poétique de la vie, quarante est l’âge du renoncement -, Béatrix la blonde, marquise expérimentée, et Sabine, la jeune fille de la bourgeoisie bretonne. Trois contraintes, illustrées ici, pèsent alors sur les femmes : l’âge, l’environnement et le statut social. La vie d’une femme se résume à l’aspiration à l’amour, le mariage, et la quête du bonheur. Malheureusement, les mariages conduisent souvent à des déceptions, et les hommes vont se consoler dans les bras d’autres femmes. L’adultère est souvent l’unique récompense du mariage. Sabine en sera-t-elle le triste exemple ? Sera-t-elle pour autant heureuse ? A vous de voir…
Il me semble que l’on retrouve ces dimensions dans les romans de Jane Austen, où la question du mariage est prégnante. Mais je laisse les spécialistes (et je sais qu’il y en a de nombreux(ses) parmi les rédactrices de blogs livresques ! ) disserter sur cette remarque.
une ultime (promis!) petite et dernière chose : je trouve la couverture de cette nouvelle édition de poche absolument magnifique! Donc je n'ai pas hésité à la conserver dans mon article dans cette imposante dimension :)
une ultime (promis!) petite et dernière chose : je trouve la couverture de cette nouvelle édition de poche absolument magnifique! Donc je n'ai pas hésité à la conserver dans mon article dans cette imposante dimension :)