37,2° le matin, Philippe Djian
Le héros de ce roman est anonyme, non-caractérisé, ses origines nous sont inconnues et pourtant, au fil de la lecture, il semble qu’on le connaisse. On s’attache à ce personnage en quête d’identité, qui exerce de multiples métiers, dont la véritable vocation est l’écriture et son meilleur job, l’amour. Le roman est bien ici une tranche de vie, celle de ce héros qui dit « je » avec celle qu’il aime plus que tout, Betty. Leur vie commune va durer un peu plus d’un an, période de galères, de changement de lieux, de métiers, le tout dans l’attente fébrile d’un évènement qui n’arrive pas, ou trop tard.
Pour une fois, je voulais bien reconnaître que Betty avait raison. Ça faisait du bien de changer un peu d’endroit. Sauf que pour ma part, je voyais plutôt le bon côté de la chose dans le fait qu’on laissait derrière nous un petit paquet d’amertume, même si c’était seulement pour un jour ou deux…
Lui ferait n’importe quoi pour elle, qui court après quelque chose qui n’existe pas. Lui se contente du monde qui l’entoure, et s’il cherche à améliorer son existence, à se fixer des buts dans la vie, c’est uniquement pour elle. Avec elle, pour elle, il irait décrocher la lune.
On a remonté la rue silencieusement. Il arrive un moment où le silence, entre deux personnes, peut avoir la pureté d’un diamant et c’était le cas. […] C’était le genre de balades qui pouvait remplir une vie, qui réduisait n’importe laquelle de vos ambitions à néant. Une balade électrique, je dirais, et capable de pousser un homme à avouer qu’il aime sa vie. Mais moi, j’avais pas besoin qu’on me pousse. Je marchais le nez en avant, je tenais la grande forme. J’ai même aperçu une étoile filante mais j’ai été incapable de faire un vœu, ou alors si, bon sang, oh si Seigneur, faites que le paradis soit à la hauteur et que ça ressemble un peu à ça.
Cela ne l’empêche pas de porter de temps en temps un regard acéré sur le monde et la société, et l’on retrouve la lucidité de l’écrivain dans ce personnage qui peut parfois sembler bien terre à terre.
J’ai baissé les yeux et je me suis concentré sur ma pêche Melba parce que dans ce monde, la folie est pratiquement générale, il se passe pas une seule journée sans que la misère de l’humanité s’étale sous vos yeux et il ne faut pas forcément grand-chose, il suffit d’un détail ou qu’un type croise ton regard chez l’épicier du coin ou que tu prennes ta voiture ou que tu prennes un journal ou que tu fermes les yeux un après-midi en écoutant les bruits de la rue ou que tu tombes sur un paquet de chewing-gum avec ONZE tablettes dedans, en vérité il suffit d’un rien pour que le monde t’envoie un sourire grimaçant.
Il y a pas mal de sexe dans ce roman, dans le film aussi paraît-il (il faudra que je le regarde), mais surtout beaucoup de respect, d’amour, et une volonté de vivre aussi bien qu’on le peut dans ce monde pourri. La fin du roman est étonnante, émouvante, le personnage de Betty est complexe, étrange ; comme souvent dans les romans de Djian quelque chose nous échappe, des éléments nous sont donnés tout au long du livre, on ne sait trop que penser, puis à la fin la vérité est dévoilée mais encore une fois en filigrane ; tout est dans l’équilibre du mystère et de la demi-mesure.
Mon avis : J’ai réellement beaucoup aimé ce livre. Je me suis énormément attachée au héros, dont on connait la plupart des pensées. Il est écrivain mais apparaît surtout comme un homme qui tente de sublimer sa vie avec les moyens du bord, mais sans se fixer de vrais buts. Il trouve toutefois le courage de faire bouger les choses lorsqu’il rencontre Betty. Ce n’est pas un vulgaire roman d’amour, c’est plus que cela. Selon moi, c’est une leçon de vie ; ce roman montre que même lorsque l’on porte un regard désabusé sur le monde, on peut toujours trouver quelque chose qui égaye ces moments où l’orage gronde au loin.
Le style de ce roman est assez déroutant, l’adverbe de négation « ne » est absent du texte, peut-être pour montrer que rien n’est impossible à qui veut. C’est un style très oralisé, mais auquel on s’habitue vite et qui donne une dynamique à l’ensemble. Je n’ai pas été déçue par ce roman de Philippe Djian, auteur que je découvre avec plaisir. J’apprécie l’univers qu’il crée, et les personnages d’écrivains qu’il met en scène, à la manière des auteurs américains de la postmodernité.
Une très bonne surprise malgré le fait que je ne sois pas une adepte des romans contemporains. J'ai été émue par ce livre comme je l'ai rarement été. On peut parfois faire de belles découvertes en dépassant ses préjugés. Je vais d'ailleurs lire d'ici peu un troisième roman de Djian que l'on m'a offert... qui l'eut cru?!
Une très bonne surprise malgré le fait que je ne sois pas une adepte des romans contemporains. J'ai été émue par ce livre comme je l'ai rarement été. On peut parfois faire de belles découvertes en dépassant ses préjugés. Je vais d'ailleurs lire d'ici peu un troisième roman de Djian que l'on m'a offert... qui l'eut cru?!