Le Monde dans les Livres
Samedi 16 avril 2011 à 11:35
Dimanche 1er mai 2011 à 23:15
Samedi 7 mai 2011 à 12:35
Jeudi 19 mai 2011 à 14:38
L'ultra négation, la double négation; l'exclusion totale. Dès le titre on entre dans le roman, dans les phrases, dans un rythme. Un rythme scandé ici, binaire, équilibré ; le rythme de l’échec. Ce ne sera pas elle, ce ne sera pas lui ; ce ne sera ni l’amour, ni la haine. Ce ne sera ni l’un, ni l’autre ; juste l’indifférence.
A travers une trame narrative originale et inédite ce me semble (je n’ai jamais rien lu de semblable auparavant en tout cas), Camille Laurens nous parle de la déliquessence de l’amour. De la manière dont un homme et une femme qui s’aiment un temps peuvent se haïr puis s’ignorer plus tard. C’est très pessimiste ; presque philosophique. Une longue plainte élégiaque de la rupture et de l’abandon.
Glauque ; triste ; presque insupportable par moments. En filigrane de ce récit, Adolphe de Bienjamin Constant. Cet homme qui croit aimer et qui, dès lors qu’il possède l’objet de son désir, se rend compte qu’il ne l’aime pas. Pauvre Ellénore. Et pauvre Hélène…
Voilà donc l’originalité de ce livre que j’ai lu par bribes, par à coups, prise par la vie et les études. Ce n’est pas un livre qui prend, c’est un livre qu’on goûte, qui dégoûte, qui émeut. L’écriture en est d’ailleurs assez agréable, un peu poétique ; enfin ça parle d’amour, mais en négatif. Bref, l’originalité réelle de ce livre, c’est donc Hélène, et le choix narratif. Hélène est en fait l’héroïne d’un film ; un film sur l’histoire d’amour de Camille et Arnaud. Et les mots qu’on a sous les yeux, ce sont les mails que l’auteur a envoyés à un réalisateur, pour élaborer le film en question. Dès lors fiction et expérience se mêlent, liées par des commentaires, les réflexions, les chagrins et les souvenirs de Camille concernant cette délicate et douloureuse histoire d’amour. Uniquement de la fiction en somme, puisque de toute façon, dès lors qu’on décrit, on déforme. Et puis Camille Laurens, c’est l’autofiction qu’elle pratique, en connaissance de cause, puisque dans tous les cas, dès lors qu’on écrit, on écrit un peu sur soi. Ici elle joue le jeu de la fiction à fond, lui faisant investir l’espace cinématographique. Les descriptions de scènes et plans séquences sont intéressants, et ouvrent un horizon nouveau à la littérature. C’est beau, vivant bien que très figé, on voit et on y croit.
Toutefois c’est un peu brouillon tout cela, un peu déroutant, un peu long, un peu agaçant. J’ai plus d’une fois cru que j’allais poser le livre là, d’autant que j’ai lu plusieurs critiques négatives à son propos. Mais j’ai finalement continué, j’ai lu jusqu’au bout, happée je crois par la langue, les réflexions et les références dont ce livre fourmille. Camile Laurens, c’est de la littérature en abîme et puissance dix, et moi j’aime.
Lundi 20 juin 2011 à 21:00
A El Idilio, c’est quand l’arracheur de dents arrive en ville que rien ne va plus. Non pas parce qu’il effraie avec ses tenailles et ses dentiers, mais parce que ce même jour, un homme est retrouvé mort dans une pirogue. Lacéré, éventré, le gringo en a soupé. Le seul qui parvienne à éclaircir ce mystérieux meurtre sans arme est le vieux Antonio José Bolivar : c’est l’affaire d’une belle bête ; une femelle ; un félin. A coup de griffes elle a tué celui qui a assassiné sa progéniture. L’instant de conservation, l’instant maternel aussi. Normal, même au fin fond de l’Amazonie.
Ce vieux, c’est celui qui lit des romans d’amour. Il adore ça. Depuis qu’il est arrivé dans la forêt pour fonder une famille avec sa jeune épouse morte trop vite (une Eurydice sauvage, non pas mordue par un serpent, c’est dommage, mais consumée par la malaria. Bon d’accord c’est pas vraiment une Eurydice, il est pas descendu la chercher aux enfers ni rien, j’avais seulement envie qu’elle se soit fait mordre par un serpent, parce des serpents, le livre en est plein !). Donc depuis qu’il est arrivé dans la forêt, le vieux a appris à y vivre, à survire, à se relever des morsures de serpent, et aussi, un jour, en ville, il s’est rendu compte qu’il savait lire. Et son principal pourvoyeur, de romans d’amour bien sûr, c’est le fameux dentiste !
Toutefois, contre toute attente (attention, je spoile !), l’histoire ne tourne pas autour du fait que ce vieux lise des romans. De cela finalement, il en est assez peu question. Le roman en question n’est pas non plus un roman d’amour d’ailleurs, s’il y en a un c’est une mise en abyme de quelques pages uniquement, cette histoire d’Orphée et Eurydice en pagne que j’affabule. Non, en fait c’est une sorte de roman policier sylvestre, où l’assassin offre de spectaculaires victimes.
Pendant quelques jours, le vieux, accompagné au début d’une troupe commanditée par le gros maire graisseux et suant, le vieux (sous ordre du dit gros maire), va se lancer à la poursuite de cet assassin à poils. Une bête agile, affamée, et superbe.
Voilà, je ne peux pas vous en dire plus, il n’y a pas grand-chose d’autre à ajouter… Je n’ai pas tant spoilé que ça, même si l’histoire semble assez succincte. En vérité, elle l’est. D’ailleurs je m’attendais à mieux, surtout à ce qu’on parle davantage de lecture. En définitive c’est une espèce de roman policier amélioré dans un décor chatoyant, et avec pour héros un vieux un peu romantique. Mais c’est tout de même un livre sympa. Je pensais qu’il allait davantage ressembler à de la littérature de jeunesse vous savez, pleine de bons sentiments et tout. En réalité, ça passe plutôt bien, même si ça reste une histoire proche du conte.
« Un hymne aux hommes d’Amazonie » que dit la couverture… Muais, enfin faut pas non plus tomber dans le pathos hein !