Le Monde dans les Livres

Mercredi 1er septembre 2010 à 22:37

http://lemonde-dans-leslivres.cowblog.fr/images/porteetroite.jpgLa porte étroite, André Gide
"Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car la porte large et le chemin spacieux mènent à la perdition, et nombreux sont ceux qui y passent ; mais étroite est la porte et resserrée la voie qui conduisent à la Vie, et il en est peu qui les trouvent."
C’est autour de ce verset de l’Evangile selon Saint-Luc que se cristallise notre histoire. Non pas qu’il revienne hanter le texte, tel un leitmotiv lancinant ; mais il s’est comme gravé à jamais dans l’âme des personnages, et son sens se distille doucement dans leurs jeunes esprits…
La vie de Jérôme (prénom biblique lui aussi…) est inscrite sous le signe du deuil et de la perte. Ce livre, dont il revendique la prétention de sincérité non-littéraire, est pour lui l’occasion de revenir sur ses souvenirs et ses souffrances. Il perd son père à douze ans, sa mère à dix-huit. Et son grand amour, c’est trop tôt et pour toujours qu’il s’arrache volontairement à lui
Il lui semble l’avoir toujours aimée ; n’avoir aimé qu’elle, n’avoir connu qu’elle. Alissa. Elle, c’est uniquement pour lui qu’elle s’apprête et se fait belle. Pour ce cousin plus jeune qu’elle qui lui récite des vers de Baudelaire et de Shakespear dans le jardin de la maison de vacances normande de Fongueusemare. Et Juliette, la sœur aînée, qui écoute, dans l’ombre.
Depuis toujours, Jérôme pense se fiancer à Alissa. Mais sans cesse, cette dernière diffère sa réponse, évasivement. Pourtant elle aime ce cher cousin avec qui elle partage ses rêves de vertu et ses pieuses aspirations. Mais Juliette, la Junie de l’histoire, convoitée par de nombreux garçons, est peut-être ici plus proche de Néron… Que dis, j’aime, j’idolâtre…mais qui ?! C’est ce que le lecteur ne tardera pas à découvrir. C’est alors que l’histoire se complique. Pourquoi Alissa se refuse-t-elle ainsi à Jérôme, alors que la passion la dévore ?
Tu n’étais pas plus tôt sorti […] que cela m’a paru impossible, intolérable. Sais-tu que je suis ressortie ! je voulais te parler encore, te dire enfin tout ce que je ne t’avais point dit ; déjà je courais chez les Plantier…il était tard ; je n’ai pas eu le temps, pas osé… Je suis rentrée, désespérée, t’écrire… que je ne voulais plus t’écrire…une lettre d’adieu…
La typographie même du passage traduit ce déchirement qui détruit le cœur de la jeune fille ; elle aime mais se refuse. Et la question que je me suis posée est : mais pourquoi ? Juliette a trouvé un mari et même, semble-t-il, le bonheur. Le père d’Alissa, dont elle devait prendre soin, est mort. Qu’est ce qui la retient de se donner à celui avec lequel elle ne fait qu’un ? A celui avec lequel elle partage tout ? A celui auquel elle pense à chaque instant, jusque dans les pages des livres qu’elle aime et qu’il aime aussi ? Serait-ce cette aspiration divine, cette puissance mystique, cette porte étroite dans laquelle on ne peut passer à deux ? Cette porte étroite du sacrifice qui mène aux vertus ? Peut-être n’est-ce même pas un sacrifice, mais une fuite. Fuir par la porte étroite ce bonheur qui jamais ne sera complet. Ce bonheur matériel qu’elle honnit tant.
« Que peut préférer l’âme au bonheur ? » m’écriai-je impétueusement. Elle murmura : « La sainteté », si bas que, ce mot, je le devinais plutôt que je ne pus l’entendre.
Alissa devient de plus en plus pieuse. A Fongueusemare (mare de fange ?), elle semble s’enliser dans la religion ; et Jérôme sens alors qu’il la perd. Mais la tragédie du triptyque amoureux, entre Jérôme, Alissa et Dieu (ou une autre ?) trouve ici son paroxysme : jamais le jeune homme ne cessera de l’aimer.
-« Alors tu crois qu’on peut garder si longtemps dans son cœur un amour sans espoir ? »
- Oui, Juliette.
- « Et que la vie peut souffler dessus chaque jour sans l’éteindre ?... »
 
Ce roman –récit dans le langage de Gide - est poignant dans sa simplicité. On pourrait reprocher à l’auteur de revisiter le poncif du triangle amoureux à la Britannicus, et redonne vie à une Princesse de Clèves bigote. Mais son style sobre, aux accents classiques, s’accorde tout à fait avec ce sujet, et le sublime.
En plus d’un beau style, ce récit autorise le lecteur (du moins celui que j’ai été !) à émettre plusieurs hypothèses quant au renoncement d’Alissa (ce qui est selon moi la qualité première d’un bon roman : celui qui laisse la place au lecteur et à son imagination). En outre, la profondeur psychologique de ces deux êtres qui ne font qu’un est d’une netteté confondante. Bien qu’Alissa joue un double jeu, on sent, dans chacune de ses paroles, dans chacun de ses gestes, tout l’amour qu’elle a pour Jérôme…mais aussi tout celui qu’elle semble avoir pour Dieu.
Le récit est homodiégétique (narrateur à la première personne, ici Jérôme) mais il se compose également d’un certain nombre de lettres, commentées ou non, le plus souvent fragmentaires, qui apportent un éclairage nouveau sur les agissements d’Alissa. Un roman complet, où l’intrigue se dévoile peu à peu, dans une mise à nu qui sentirait presque le mysticisme. Gide nous embarque dans son récit ; à nous d’être attentif aux indices et d’interpréter en conséquence, devançant parfois le texte lui-même.
Un très beau texte, encore, plus fouillé qu’Isabelle (intrigue et surtout personnages), mais dans la même veine. Un style sobre au service du thème du récit – la vertu et la spiritualité-, lequel d’ailleurs entre en opposition directe avec L’Immoraliste, autre récit de Gide que je possède et que je lirai avec d’autant plus d’intérêt. Une médaille n’est-elle pas faite pour avoir deux faces ?

Samedi 4 septembre 2010 à 10:54

http://lemonde-dans-leslivres.cowblog.fr/images/danslecafedelajeunesseperdue.jpg A la moitié du chemin de la vraie vie, nous étions environnés d’une sombre mélancolie, qu’ont exprimée tant de mots railleurs et tristes, dans le café de la jeunesse perdue.   Guy Debord
(citation mise en exergue de l'oeuvre) 

Le titre, déjà ; rien que le titre…
Dans le café de la jeunesse perdue, Patrick Modiano
 Ce titre est envoutant, prometteur, poétique à souhait. Ce titre et cette couverture ont agi sur moi comme un aimant. A peine avais-je ouvert le roman que le charme a opéré. Une nouvelle fois, j’ai été plus que séduite par cette ambiance que Modiano parvient à créer, avec de simples mots. Dès les premières pages, on est plongé dans l’ambiance de ce café de la bohême parisienne du VIème arrondissement, là où la jeunesse est avide d’art, de littérature, de succès, mais aussi de plaisirs menant aux paradis artificiels. Des personnages aux noms et à la personnalité énigmatiques, venus d’horizons divers, qui se retrouvent tous autour d’une table, le soir, tard, au Condé. Et il y a Louki.
Oui, elle a commencé à fréquenter le Condé en automne. Et cela n’est sans doute pas le fait du hasard. Pour moi, l’automne n’a jamais été une saison triste. Les feuilles mortes et les jours de plus en plus courts ne m’ont jamais évoqué la fin de quelque chose mais plutôt une attente de l’avenir. Il y a de l’électricité dans l’air, à Paris, les soirs d’octobre à l’heure où la nuit tombe. Même quand il pleut. Je n’ai pas le cafard à cette heure là, ni le sentiment de la fuite du temps. J’ai l’impression que tout est possible. L’année commence au mois d’octobre.
 
Excentrée à l’orée du café, à une table dans un coin sombre, elle est pourtant le point focal du roman, le centre de l’étoile que forment les cinq chapitres et les quatre narrateurs. L’un d’entre eux est la jeune fille elle-même. Mais qui mieux que le personnage lui-même peut nous éclairer sur son mystère ? Pourtant, malgré tous les indices que nous donnent ces divers points de vue (un jeune étudiant de l’école des Mines, une espèce de détective privé, un amoureux délaissé…) l’identité, l’image, le passé de Louki, ou Jacqueline, ne sont que fragments. Des fragments de cette étoile qu’on parvient, tant bien que mal, à reconstituer. En effet, Modiano sollicite toute l’acuité du lecteur, qui doit se faire enquêteur attentif et sagace, pour ne manquer aucun des indices qu’il dépose sur son chemin, entre les pages. Et ça, c’est tout Modiano : construire un récit aussi précis que possible, où chaque détail compte ; des pages de carnet de détective. etpuis, forcément, des blancs...
 De son point de vue que je trouve photographique, il nous livre des descriptions en manière de cliché, qui figent une expression à jamais, comme elle l’est dans l’esprit du narrateur, mais aussi ensuite dans l’esprit du lecteur.
Et puis un après-midi de brise et de soleil sur les quais, en face de Notre-Dame…je regardais les livres dans les boîtes des bouquinistes en les attendant toutes les deux. […] Dans l’une des boîtes vertes des bouquinistes, je suis tombé sur un livre de poche dont le titre était Un Bel Eté. Oui, c’était un bel été puisqu’il me semblait éternel. Et je les ai vues, brusquement, sur l’autre trottoir du quai. Elles arrivaient de la rue des Grands-Degrés. Louki m’a fait un signe du bras. Elles marchaient vers moi dans le soleil et le silence. C’est ainsi qu’elles apparaissaient souvent dans mes rêves, toutes les deux, du côté de Saint-Julien-le-Pauvre… Je crois que j’étais heureux, cet après-midi là.
Mais les divers points de vue brouillent les pistes. Dans ce roman, finalement, tout est flou et mystérieux. Louki se prend de passion pour l’ésotérisme et l’astronomie ; elle quitte son mari, épousé elle ne sait pourquoi ; elle traîne au café. Figure fantomatique de ces « zones neutres » qu’Edouard – son amant, à ce qu’on peut supposer- s’efforce de décrire. Avec elle il parcourt les rues de Paris, avec une préférence pour ces zones où le temps semble comme figé, où l’on se sent comme immunisé. Par fragments, grâce aux diverses voix qui s’expriment, on parvient à reconstruire le passé de Louki. Une vie étrange, à peine effleurée semble-t-il. Un personnage attachant, que j’ai vraiment eu envie de connaître. Mais elle est restée insaisissable, toujours dans l’ombre, toujours dans la retenue. Elle ne disait pas grand-chose, n’osant pas se laisser aller. Jusqu’au jour où…
Ahah suspense, mais ne nous emballez pas, cela ne vaut que pour la fin du roman. En résumé, un gros coup de cœur. J’ai adoré ce livre avant même de l’avoir lu. Cependant, c’est surtout la première voix, celle de « l’élève qui a quitté l’école des Mines », qui m’a émue. Modiano restitue à travers son regard l’ambiance de ce café de bohême dans les années cinquante, avec son zinc, ses habitués, ses liqueurs, sa chaleur quand dehors, il pleut. Et puis ce cahier, où celui qu’on appelle le Capitaine transcrit toutes les allées et venues, tenant le registre des clients du Condé. Un courant d’air, des bruissements de pages, tout l’atmosphère de cette petite salle de café bohême du VIème, où se réunit la jeunesse artiste, la « jeunesse perdue ».
Toutefois, je vais tout de même poser un bémol sur cette partition qui débute sans fausse note aucune, et dont la douce musique nous berce, telle une ballade de ces années là, un air de jazz peut-être… Enfin quoi qu’il en soit, à partir du second chapitre, l’atmosphère change. Tout se concentre autour de Louki, sa disparition, l’enquête etc… presque des accents de roman policier (ceci dit, ça n’a pas tellement été pour me déplaire. Je me suis même surprise à me dire que les romans policiers ne sont peut-être pas si peu littéraires que cela… enfin ceci est une autre histoire). En résumé, j’ai été déçue que le décor du roman ne reste pas le café… Néanmoins, les rues de Paris, c’est agréable aussi, d’autant que Modiano fait évoluer ses personnages dans des « zones neutres » et des quartiers pittoresques. Mais avec ce titre, je m’étais attendue à autre chose…
Ceci étant dit, je reviens sur ma première impression, et m’obstine : ce livre m’a époustouflée, émue, emportée. Je n’avais qu’une hâte, m’y plonger. J’ai conscience que Modiano ne fait pas l’unanimité parmi les lecteurs, d’autant que j’ai souvent lu qu’il écrivait un peu toujours la même chose. Dans le café de la jeunesse perdue est le deuxième de ses romans que j’ai lu, et franchement, je n’ai qu’une envie, continuer à le découvrir.

Ps : J’espère ne pas être déçue par lui au bout d’un certain temps, comme ça a été le cas dernièrement avec Philippe Djian… Eh oui, j’ose le dire, j’ai lu les 100 premières pages d’Echine (qu’on m’avait pourtant chaudement recommandé…) et j’ai déposé le livre… déçue, très déçue… j’ai trouvé que Djian finissait par toujours écrire un peu la même chose, en mettant en scène ce même personnage d’écrivain blessé… et puis le personnage de ce roman m’a beaucoup moins touchée que d’autres. Il semble trop facilement surmonter les épreuves qui se présentent à lui ; or j’aime quand les personnages semblent plus humains encore (ce que réalise souvent Djian avec brio !). Je reprendrai peut-être ce roman plus tard. En attendant, avec Djian, je fais une pause  (ses personnages le font bien avec toutes leurs conquêtes !) ; il ne m’en voudra pas, je pense !
 

Mercredi 8 septembre 2010 à 23:52

http://lemonde-dans-leslivres.cowblog.fr/images/rosescreditnylon.jpgRoses à crédit, Elsa Triolet
Notre histoire commence à l’âge de pierre ; ceci n’est pas un abus de langage de ma part, même si elle se situe au milieu XXème siècle. En effet, la cabane où vivent Martine et sa famille, après la guerre, n’a rien à envier aux habitations des hommes de la préhistoire. Sordide, sale, répugnante ;  les enfants et les rats pataugeant dans la même gamelle ; des draps froids, jamais changés ; et j’en passe… Martine en fait des syncopes de toute cette saleté, elle qui rêve de jolies toilettes et d’ongles manucurés. Mais un beau jour, Mam’ Donzert, la coiffeuse du coin, l’emmène avec elle et sa fille Cécile à Paris. Paris, la capitale de la beauté, du confort, de la propreté. Paris, en ces années glorieuses, patrie du plastique et du cosy-corner. Le lieu idéal pour Martine, cette jeune fille au physique de mannequin, à laquelle tout va. Parce que « Tout lui va à Martine ». Devenue manucure dans un salon huppé, elle n’a plus rien à voir avec Martine-perdue-dans-les-bois, comme on l’appelait là-bas. Et puis à Paris, elle a retrouvé Daniel. Ce garçon qu’elle a toujours aimé, sans qu’il le sache, sans qu’il la voie. Elle n’attendait que lui, et il est venu. Ils se sont croisés dans les rues parisiennes ; ce fut le début d’une passion. Comme Martine aimait Daniel ; comme Martine était belle ! Belle comme les roses que le jeune homme affectionne tant. Il a d’ailleurs une ambition : créer scientifiquement un hybride de rose, qui ait la fragrance d’une rose ancienne, et l’aspect d’une rose moderne. Mais Martine n’aime pas les roses. Elle n’aime que le nylon, le plastique, le rotin et les machines à laver. Elle n’a pas d’argent, mais elle achète tout à crédit. C’est bien le crédit, on peut acheter ce qu’on veut même quand on n’a pas d’argent… Mais un beau jour, les excès aussi, ça réserve des surprises… ! Tel un collant en nylon brillant dont une maille se brise, la belle vie impeccable de Martine va commencer à se filer. Les mailles s’effilochent une à une ; l’image sur papier glacé se ternit. Martine devient plus pauvre et plus laide que sa mère, elle qui avait tout, la beauté, le confort, le bonheur – pour un temps. Sa mère, elle, vivait dans une cabane sordide ;  mais elle, toute sa vie a été comblée par l’amour des hommes. Alors que pour Martine, même les roses de Daniel étaient comme à crédit...
Une pie noire qui devient, pour un temps, une jolie hirondelle s’envolant vers la tour Eiffel, avant de tomber à ses pieds et de redevenir noire. Une pie attirée par tout ce qui brille. Voilà ce qu’est Martine, sa personne, sa vie.
[…]elle préférait le confort à ses bras. Dans le noir, Daniel se fâchait, vexé et triste… L’absence d’une salle de bains à la ferme décidait de leur vie commune. Elle était tout de même un peu folle, Martine. Se tuer de travail pour acheter un ensemble-cosy. Daniel avait beau être distrait, cet ensemble-là l’avait étonné plus que s’il avait trouvé dans l’appartement de Martine un de ces singes au derrière nu, comment les appelez-vous déjà ?
C’est avec un regard tendre et un peu moqueur que l’auteur nous fait la chronique de la vie de ce jeune couple des années 50, touché par la frénésie de la consommation. Les roses et le plastique, Nature et Culture, science et société de consommation ; tout oppose Daniel et Martine. Elsa Triolet n’est pas tendre avec cette jeune femme qui a connu la misère et qui n’aspirait qu’à une vie plus propre, plus aseptisée. L’exode rural dans tous ses excès ; un être sorti de son milieu et s’ébrouant parmi les démons du marketing. Une femme des cavernes devenant une Bourgeoise. Bourgeoise, avec toutes les acceptions péjoratives que peut revêtir le terme. Pauvre Martine… celle des livres illustrés de l’époque avait probablement plus de chance qu’elle…
Avec ce roman réaliste et pourtant poétique, Elsa Triolet met en scène une Emma Bovary moderne, en quête d’un bonheur qui s’avère illusoire. Pathétique mais touchant, ce roman, en plus de son caractère réaliste, a quelque chose du conte fantastique et merveilleux, et propose des récits enchâssés inspirés de contes pour enfants. Un livre comme un bonbon au papier coloré, une pomme d’amour recouverte de sucre Candy, mais que la société semble pourrir. Le ver était-il pourtant dans le fruit ?
Un roman fort sympathique, qui n’est pas sans rappeler, par certains côté, les livres de la Bibliothèque Rose, mais dont le thème et la morale sont des plus sérieux et engagés. Il s’agit pour Elsa Triolet de dénoncer la société de l’après-guerre. Par ailleurs, ce roman m’a permis de découvrir le style étonnement limpide de l’Elsa d’Aragon, cette femme russe maîtrisant si bien la belle langue de son époux. Un bonbon, vous dis-je…

J'oubliais de dire que Roses à Crédit était le premier volet d'un cycle intitulé L'Age de Nylon. Lesdeux autres romans, qui peuvent être lus séparément, s'intitulent L'Ame et Luna Park. Je voulais également ajouter que je n'ai pas réussi à trouver sur internet l'image de la couverture qui était celle de mon édition. Dommage, car elle avait un petit quelque chose de ces images de filles de couverture de magazines pour adolescentes des années 50-60. Une couverture comme une histoire dissimulant cette vérité bien dure que la couverture de l'édition la plus récente dévoile par la figure de l'icône brisée, ou de la rose piétinée...

De Mignonne allons voir si la rose... à Une charogne, il n'y a qu'un pas!

Samedi 11 septembre 2010 à 12:33

http://lemonde-dans-leslivres.cowblog.fr/images/immoraliste.jpgL’immoraliste, André Gide

D'emblée je l'annonce : ce billet va être teinté de petites phrases, destinées à ceux qui veulent approfondir les choses. Pour le reste, j'ai essayé de faire en sorte que mon ton n'en pâtisse pas...!

Gide l’annonce dès la préface : il ne prend pas parti pour ou contre son héros. Il ne s’agit pas pour lui de faire l’apologie de quoi que ce fut, encore moins acte d’accusation. Il se contente d’offrir au lecteur un texte qui, il l’espère, avance des idées très pressantes et d’intérêt très général ; si ça n’était pas le cas, la faute en serait à l’auteur. Le problème qu’il soulève dans ce récit (Gide y tient, ce n’est pas un roman, mais un récit ! Tout comme Isabelle et La Porte-Etroite, dont l’Immoraliste pourrait être le pendant opposé, quoi que cela demande réflexion…), problème qui n’est est pas véritablement un puisqu’en art il n’y a pas de problème dont l’œuvre d’art ne soit la suffisante solution, est celui de l’individualisme et de la singularité de l’être humain se positionnant par rapport aux autres hommes. Pour mieux comprendre cela, cela va de soi, résumé :
L’ensemble du texte est constitué du récit que le narrateur, Michel, fait à ses amis qu’il n’a pas vu depuis trois ans. Dans la nuit du désert, l’azur disparu, il leur conte l’histoire de sa vie depuis son mariage… (nb : l’ensemble de ce récit est en fait rapporté dans une lettre qu’un des amis de Michel écrit à son frère, le Président du Conseil).
Michel est orphelin de mère (ahahah grand problématique du Roman en général, cela nous met la puce à l’oreille : attention, Gide réfléchit sur le genre roman, d’ailleurs en perte de vitesse à l’époque où il publie l’Immoraliste, en 1902, suite à l’émergence du naturalisme et de la sociologie). Puritain, élevé par son père dans le culte protestant et la passion de l’Histoire, il mène une vie sans heurts jusqu’ à ses vingt-cinq ans. Alors que son père lui aussi s’apprête à passer dans l’autre monde, il épouse, pour lui rendre sa fin plus heureuse, une jeune fille qu’il n’aime ni ne désire : Marceline. Au cours de leur voyage de noces en Orient (ahah grand motif romantique que le voyage en Orient ! cf Nerval, Chateaubriand,etc…), Michel tombe malade. La tuberculose. Cette maladie qui tache les mouchoirs, et détruit l’être… Marceline, qui semble aimer son époux en dépit du fait que celui-ci ne le lui rende pas, promet de le soigner. Elle s’occupe de lui, le cajole, le nourrit, et surtout, prie. Michel, quant à lui, se promet de guérir sans l’aide de Dieu. Et il guérit, peu à peu ! Cette guérison lui donne un goût pour la vie que jamais auparavant il n’avait eu. Il se sent vivant. La compagnie des jeunes garçons est comme pour lui un élixir de vie. Il semble qu’à leurs côtés, il renaisse au monde. Par ailleurs, il se prend d’affection pour l’un d’eux, qu’il surprend en train de voler une paire de ciseaux. A partir de ce moment, Michel affirme son inclinaison pour les êtres marginaux et, comme lui, immoraux. Il prend peu à peu de la distance par rapport à son ancienne vie. Loin de désirer renouer avec le passé –les ruines, qu’il aimait tant, ne l’intéressent plus- il se tourne avec avidité vers le présent, les populations locales, les jardins (locus amoenus) et les beaux garçons (homosexualité et pédophilie pointent le bout de leur nez…ou bien est-ce une volonté de renouer avec la pastorale et les églogues virgiliennes…). (NB : tout l’inverse Chateaubriand, qui ne s’intéressait pas aux populations locales, préférant écouter son cœur et jouir de la mélancolie que la contemplation des ruines éveillaient en lui). Il se rase, se baigne dans une fontaine : un véritable renouveau, un nouveau baptême, impie celui-là.  Enfin, las de cette vie orientale, il retourne avec sa femme dans leur propriété de Normandie. Là-bas, il se prend d’affection pour un jeune homme de dix-sept ans. Aux côtés de ces garçons, de plus en plus vieux, son « nouvel être » grandit. D’enfant, son nouveau « moi » devient adolescent, puis adulte. Lui, dont la santé était si fragile, en vient à ne presque plus dormir, passant ses nuits à courir dans les rues avec un ami marginal et cynique, alors que sa femme, la robuste Marceline, est en train de mourir de la tuberculose. Il s’attache à prendre soin d’elle, mais on peut se demander s’il ne souhaiterait pas sa mort…
Son goût pour les marginaux, pour les individus sans foi ni loi, s’exacerbe :
J’en venais à ne goûter plus en autrui que les manifestations les plus sauvages, à déplorer qu’une contrainte quelconque les réprimât. Pour un peu je n’eusse vu dans l’honnêteté que restrictions, conventions ou peur. Il m’aurait plu de la chérir comme une difficulté rare ; nos mœurs en avaient fait la forme mutuelle et banale d’un contrat. En Suisse elle fait partie du confort.
Ceci m’amène à me poser une question : ne peut-on, comme Michel, penser que toute cette morale, ces règles, ces mœurs, ne sont qu’hypocrisie ? L’immoralisme ne serait-il pas ici gage de sincérité ? Ceci permet de voir combien Gide ne prend parti ni pour l’un ni pour l’autre. Ces questions que son texte soulève sont ce qui font de lui un grand texte. L’écrivain n’aura pas échoué dans sa tache !
Par ailleurs, une autre chose m’a frappée : bien que le titre semble programmatif (thématique dirons-nous…) la morale ne semble pas totalement absente de ce récit (d’abord parce qu’on peut tirer des leçons de ce texte, du moins des questions, car en aucun cas il ne s’agit d’un récit à vertu didactique ! je n’ai cherché de rien prouver, mais de bien peindre et d’éclairer ma peinture.) Mais il s’agirait plutôt pour moi d’une morale poétique, une manière de voir la vie, des phrases qui parlent à l’âme…comme celle-ci :
Mais je crois qu’il est un point de l’amour, unique, et que l’âme plus tard, ah ! cherche en vain à dépasser ; que l’effort qu’elle fait pour ressusciter son bonheur, l’use ; que rien n’empêche le bonheur comme le souvenir du bonheur. Hélas ! Je me souviens de cette nuit…
Gide prend ici le contre-pied de l’idéal romantique : ce ne sont plus les ruines qui font naître en lui la mélancolie, ce ne sont pas les vieille pierres antiques d’un temps révolu, mais les souvenirs de sa propre vie, ce passé qu’il cherche dans le présent. Gide se positionne ainsi dans une réflexion sur l’homme, le bonheur, la vie.
Les derniers mots de Michel sont déchirants. Alors que sa femme est morte, qu’il est libéré de toute contrainte, libre de poursuivre cette renaissance suite à la maladie – du sang de ses poumons est né un nouvel être- il ne sait plus que faire :
Ce qui m’effraie c’est, je l’avoue, que je suis encore très jeune. Il me semble parfois que ma vraie vie n’a pas encore commencé. Arrachez-moi d’ici à présent, et donnez-moi des raisons d’être. Moi je ne sais plus en trouver. Je me suis délivré, c’est possible ; mais qu’importe. Je souffre de cette liberté sans emploi.
Ici, un article très éclairantsur ce récit qui, je dois dire, est assez prenant, et que j’ai lu d’une traite !
PS : Qu’on me pardonne ce billet un peu trop académique à mon goût, mais j’ai de bonnes raisons de l’avoir rédigé ainsi.
 

Lundi 13 septembre 2010 à 23:06

http://lemonde-dans-leslivres.cowblog.fr/images/contreSainteBeuve.jpgContre Sainte-Beuve, Marcel Proust
   Quel plaisir que de retrouver la petite musique de Proust ! Cette voix que l’on reconnaît entre toutes, qu’on peut écouter sans se lasser, qui nous berce, comme une comptine fredonnée, dont on ne comprend pas toutes les paroles, mais dont l’air touche notre âme. Une voix comparable à celles que l’on chérie entre toutes, qu’on suivrait partout, qui pourrait nous emmener où elle veut, et que jamais on ne quitterait. Emballés, embarqués dans les méandres de la phrase, on suit Marcel jusqu’au bout, jusqu’à ce qu’il pose sa plume en un point qui, comme l’ancre jetée à la mer à l’approche d’un lagon où, après quelques nuits de croisière les amants aspirent à faire escale, pour délasser leurs pieds engourdis du tangage, arrime la phrase à la page…
   Bref, qu’il fut doux de lire Proust, et plaisant de l’entendre parler… et quoi de mieux que Marcel parlant de littérature ?
Pourtant, le Contre Sainte-Beuve est bien davantage que ce que j’aurais pu croire. Ce livre est davantage que « le livre de critique où Proust dénonce et contrecarre la fameuse méthode Sainte-Beuve ». Voyons en quoi :
Suite à une préface où il présente son projet et déjà, sa posture d’écrivain, Proust nous emmène dans son enfance, dans l’incipit de ce qui deviendra La Recherche. Il nous évoque ses sommeils, ces troubles, ces chambres où son corps ne sait se retrouver, ces précautions que tous prennent pour ne point l’éveiller, ses plaisirs solitaires et ses accidents nocturnes. Il évoque ses journées, qui sont devenues ses nuits, pour lui qui ne dort que le jour, ainsi que ces personnages qui le fascinent et qui de loin semblent avoir autour d’eux une lumière éclatante…
Elle [la comtesse] était une de ces personnes qui ont une petite lampe magique, mais dont elles ne connaîtront jamais la lumière. Et quand on fait leur connaissance, quand on cause avec eux, on devient comme eux, on ne voit plus la mystérieuse lumière, le petit charme, la petite couleur, ils perdent toute poésie. Il faut cesser de les connaître, les revoir tout d’un coup dans le passé, comme quand on ne les connaissait pas, pour que la petite lumière se rallume, pour que la sensation de poésie se reproduise. Il semble qu’il en soit ainsi des objets, des pays, des chagrins, des amours.
On comprend, avec ce passage, pourquoi le jeune Marcel partira à la recherche de ce temps perdu, où tout brille encore de cette lumière poétique de la première vision, de la première impression, de la prime sensation…
S’ensuit ensuite l’introduction à l’article centrale, celui qui donne – presque- son titre à l’ouvrage : la méthode Sainte-Beuve. Pour ce faire, Proust a choisi de rapporter un épisode de son enfance. Alors qu’il était âgé d’une dizaine d’années – le génie est précoce ou n’est pas - le jeune Marcel, au point du jour, alors qu’il s’apprêtait à dormir, attend fébrilement, comme il le fait depuis plusieurs jours, que sa mère lui monte le journal. Or ce matin, lorsqu’elle pénètre dans sa chambre, dépose le journal avec un air de n’en rien dire, et s’enfuit précipitamment, quelque chose interpelle le petit garçon. Alors il ouvre la gazette à la première page, et découvre avec des yeux neufs un article qui dont tous les mots sont semblables aux siens ! … Marcel a été publié. Il s’empresse alors de descendre demander l’avis de sa maman, et c’est ce qui permet d’introduire l’article sur Sainte-Beuve.
Revenons un peu sur cette fameuse critique que fait Proust de la méthode Sainte-Beuve, méthode qui fait fureur au XIXème siècle, et envers laquelle de nombreux critiques ne tarissent pas d’éloges. « La littérature, disait Sainte-Beuve, n’est pas pour moi distincte, ou du moins séparable, du reste de l’homme… ». C’est cette méthode qui consiste à expliquer l’œuvre par l’homme, et que Proust ne peut accepter. Pour l’auteur des Causeries du Lundi (chroniques hebdomadaires réalisées par Sainte-Beuve et des amis critiques sur le monde littéraire de l’époque), on peut juger de l’importance d’un auteur et de la qualité de son œuvre par ce que diront de lui ses amis, par ses actes et son comportement en société. Ainsi, les œuvres de Stendhal sont pour lui franchement détestables ; et s’il se permet de les juger ainsi, c’est uniquement parce que, en plus de connaître personnellement Beyle, il a recueilli auprès de ses autres amis (Mérimée et Ampère) ce qu’il estime être suffisant pour juger de la qualité d’un auteur. En ceci, le critique semble se rapprocher du naturalisme, lorsqu’il analyse l’homme (et, par extension abusive, son œuvre) en fonction de son milieu. Quoi qu’il en soit, Proust n’a pas tord de dire que si tous les ouvrages du XIXe siècle avaient brûlé sauf les Lundis, et que ce soit dans les Lundis que nous dussions nous faire une idée du rang des écrivains du XIXe, Stendhal serait inférieur à tout un panel d’auteurs qui ne sont passés à la postérité que pour un petit nombre d’érudits poussiéreux. En outre, on peut noter que cette méthode trouve aussi sa limite dans l’appréhension chronologique des auteurs, puisque Sainte-Beuve ne devrait pouvoir émettre de jugement sur Tacite ou Virgile, même encore Diderot, qu’il n’a pas connus (même il outrepasse toutefois bien cette limite, en ce qui concerne ce dernier du moins…).
Et quelle est alors la pensée de Proust ? elle est celle-ci que, alors que Sainte-Beuve regarde l’homme en société, et l’envisage, dans l’acte d’écrire, entouré de cette même cour ou du moins en interaction avec elle, Proust considère que rien ne peut être écrit de bon, de beau et de sincère dans cette effervescence du monde, et que ce qu’on donne au public, c’est ce qu’on écrit seul, en soi-même, c’est bien l’œuvre de soi. Pour écrire, il faut faire appel à un autre moi que le moi intime, que le moi qui connaît les autres. S’il ne fallait retenir une seule phrase, c’est celle-ci (à condition de bien la mettre en contexte) : un livre est le produit d’un autre moi que celui que nous manifestons dans la société, dans nos habitudes, dans nos vices. Pour écrire, il faut apprendre à nous fréquenter profondément nous-même.
Voilà pour Sainte-Beuve. S’ensuivent ensuite trois chapitres d’une saveur rare, dans lesquels Proust se fait critique littéraire, et interroge les œuvres de trois génies du siècle : Nerval, Baudelaire et Balzac. Imaginez juste un instant entendre parler de ces poètes magnifiques avec la voix de leur successeur ultime… Ces passages sont de la pure délectation. Même si, en ce qui concerne Balzac, il n’a de cesse de le critiquer, estimant qu’il est trop scientifique, trop intellectuel ; il ne cache rien, il dit tout. Pour Proust, Balzac n’a pas de style, dans le sens qui est le sien, à savoir la marque de la transformation que la pensée de l’écrivain fait subir à la réalité. On en arrive à se demander quand est ce que ce génie de l’œuvre cathédrale va cesser de critiquer le géant démiurgique…Pourtant, pourtant, Proust reconnaît un talent incontestable à Balzac : celui de rapporter avec justesse les propos de ses personnages. La faculté mimétique de l’auteur de la Comédie Humaine est ce qui émerveille Proust…et ce qui, finalement, il va lui-même imiter dans son œuvre (en plus de s’inspirer de Saint-Simon). En prétextant disserter sur des auteurs et leur relation à Sainte-Beuve, Proust nous montre donc plutôt ce que sont les fondations intertextuelles de son œuvre : comme Nerval dans Sylvie, il va renouer avec un passé rêvé en dépassant le cadre enfantin de Gérard ; comme Baudelaire, il va adopter la position du poète, semblable à l’oiseau qui, Même quand il marche, […]a des ailes. Et enfin, comme Balzac, il va apprendre à se saisir de la réalité pour la transcender. Ces trois poètes reconnaissaient l’existence de l’irrationnel. Ça n’est pas pour rien que Proust s’est senti proche d’eux, et que, suite à leur lecture, à leur appropriation, sa propre œuvre a commencé à voir le jour.
Car le Contre Sainte-Beuve n’est finalement rien d’autre que cela : la matrice originelle de l’œuvre à venir, la graine où se concentrent tous les thèmes et les inspirations de la Recherche en gestation. Maman, la comtesse, les Guermantes, la race maudite (les homosexuels), les noms et leur poésie, les jeunes filles, les sensations, bref, tout ce qui éveillera chez le narrateur les souvenirs de ce temps révolu où tout était neuf, et éclairé par une petite lumière, tout cela est dans le Contre Sainte-Beuve. Proust, finalement, n’a peut-être écrit qu’un seul livre ; mais c’est un livre écrit avec toute sa sensibilité, et qui n’a rien à envier à l’intelligence. Il montre que, contrairement à ces idolâtries à la Sainte-Beuve, il ne fait pas tenir la beauté dans l’objet, ni la vérité dans l’histoire, et encore moins l’art dans l’intelligence. Le génie de Proust est qu’il parvient à faire tenir la beauté dans les intuitions de l’esprit.  
Pour terminer, je vous offre le dernier paragraphe de l’ouvrage, qui est remarquable et magnifique, forcément… :
Les belles choses que nous écrirons si nous avons du talent sont en nous, indistinctes, comme le souvenir d’un air, qui charme sans que nous puissions en retrouver le contour, le fredonner, ni même en donner un dessin quantitatif, dire s’il y a des pauses, des suites de notes rapides. Ceux qui sont hantés de ce souvenir confus des vérités qu’ils n’ont jamais connues sont les hommes qui sont doués. […] Le talent est comme une sorte de mémoire qui leur permettra de finir par rapprocher d’eux cette musique confuse, de l’entendre clairement, de la noter, de la reproduire, de la chanter.
 http://www.college-de-france.fr/default/EN/all/lit_cont/seminaire_du_4_mars_2008_moral.jsp
un superbe exposé, présenté par une voix lente et extraordinairement assurée, avec un accent italien charmant.

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