Le ravissement de Lol V. Stein, Marguerite Duras
Un fiancé ; un bal ; deux femmes. L’une est jeune, belle, innocente ; l’autre est mère. Imaginez la souffrance de la première si le fiancé en question est foudroyé à la vue de la femme mûre…
Terrifiant n’est-ce pas ? C’est pourtant ce qui arrive à Lola Stein. Dans le casino de Town Beach, personne sauf Tatiana ne se rend compte de la tragédie dont est victime la jeune fille, adossée au bar. Elle non plus d’ailleurs… Elle regarde d’un air attendri ce couple qui danse, ce couple qui n’est pas le sien. Pourtant c’est bien Michaël Richardson qui est sur la piste dans les bras de cette femme…
Cet état extatique dure jusqu’à ce que la lumière se rallume, que la réalité surgisse, et avec elle son lot de souffrances. Lol prend conscience de ce qui va devenir le malheur de sa vie, la raison de ses marches sans fin à travers la ville, la source de sa rencontre avec Jacques Hold.
Ce dernier est le narrateur de l’histoire, ou plutôt l’archéologue qui reconstitue la mosaïque de l’histoire de Lol, cette femme pleine de mystère, doucement folle, amoureuse et malheureuse. On ne sait si ce qu’il dit est vrai. Il connaît Lol depuis 15 ans lorsqu’il raconte cette histoire ; il l’aime, et la passion peut faire naître de bien belles chimères. Cependant on le suit, on le croit, et l’on découvre une Lol passionnée, en éveil dans ses champs de seigle, qui ne veut pas qu’on renonce au monde pour elle.
Avec Jacques elle va revenir sur les lieux de son drame, rejouer la scène du bal et peut-être, ainsi, exorciser son mal…
“We’ve known each other so briefly. At first we are astonished. Then we discover our current memory, our current memory, our marvelous, recent memory of this morning, we move into each other’s arms, let me hold her tight, we stay this way, not saying a word, there being nothing to say until, looking toward that section of the beach where the swimmers are and which Lol, because of the position of her head on my shoulder, cannot see, there is some commotion, a crowd gathering around something I cannot see, perhaps a dead dog.”
Ah oui, une dernière chose : pourquoi cet extrait est-il en anglais me direz-vous?! Eh bien voilà encore une des bonnes surprises que réservent les bouquinistes : j’avais entendu parler de ce roman il y a peu, et l’histoire de cette jeune fille qui perd son fiancé à la suite d’un bal – Princesse de Clèves moderne- m’avait intriguée. Je n’avais lu de Duras que l’Amant et le début d’ Un Barrage contre le Pacifique qui m’était tombé des mains je ne sais trop pourquoi –enquête à poursuivre… ! et étais étonnée qu’elle ait écrit une telle histoire. Je ne parvenais pas à le dénicher, et ayant trouvé ce jour là mes chers Mandarins, je suis montée au rayon littérature anglaise histoire d’accompagner une amie et de me faire plaisir aux yeux. Et au bout d’un moment, je suis tombée sur The Ravishing of Lol Stein, by M. Duras. Bien étonnée mais bien contente, je me suis empressée de m’en emparer, et l’ai dévoré…
Encore une bien jolie découverte, grâce au bouquiniste ! Et la lecture en anglais n’enlevait rien au charme de cette histoire ; même, cela lui en conférait un autre insoupçonné. Je pense toutefois que je lirai un autre roman de Duras (lequel me conseilleriez-vous ?) pour ne pas passer à côté de son style.
En résumé, une belle surprise, une belle lecture et un magnifiquement triste et énigmatique roman. Bref, un chef-d’œuvre de mon goût !
L'image de l'édition anglaise est d'ailleurs, selon moi, tout à fait représentative de la jeune fille énigmatiquement floue et insaisissable qu'est Lol....
L'image de l'édition anglaise est d'ailleurs, selon moi, tout à fait représentative de la jeune fille énigmatiquement floue et insaisissable qu'est Lol....