Changement de décor, David Lodge
Deux avions se croisent dans le ciel, avec chacun à leur bord un professeur de littérature. L’un est anglais, l’autre américain ; ils s’apprêtent à échanger leur vie l’espace d’un semestre.
Dans le premier avion, il y a Philip Swallow (l’Hirondelle, pas le moineau). Aucune publication à son actif, pas même un doctorat, mais n’a pas son pareil quand il s’agit de concocter un sujet d’examen. Il vient de Rummidge, dans les Midlands, cette université inventée par Lodge, théâtre de nombre de ses romans. Père de famille un peu désabusé, piètre amant, professeur médiocre, ce séjour aux Etats-Unis, il l’espère, va être l’occasion de renouer avec les excès et les aventures débridées de sa jeunesse…
Morris Zapp, c’est l’éminent professeur américain d’Euphoric State, spécialiste de Jane Austen, en instance de divorce et réputé pour son franc-parler. Mais dès le début du voyage, les choses basculent quand il se rend compte qu’il est à bord d’un avion rempli de femmes venues se faire avorter en Angleterre…
Il peut s’en passer des choses en un semestre, surtout lorsqu’on est nouveau dans une Université où les étudiants ont le sang chaud. Morris et Philipp en font l’expérience, sous la plume brillante d’un David Lodge qui inaugure avec ce roman sa série de chroniques de la vie universitaire, rehaussée de cette fameuse pointe d’humour ravageur. L’on suit les aventures de nos deux protagonistes, dans un roman dans le pur style post-moderniste : le premier chapitre est une narration presque ordinaire, scintillant de clins-d’œil, la seconde une série de lettre des femmes à leur conjoint respectif – hé oui, il faut bien parler des problèmes de machine à laver défaillante et des séjours en prison… !-, la suivante est constituée d’une série d’articles de presse relatant les rebondissements des émeutes étudiantes, et la dernière, en forme de pièce de théâtre, met en scène les deux couples qui, comme par hasard, se croisent en avion et parlent de dénouement. La boucle est bouclée pourrait-on dire, et le lecteur a pleinement conscience de lire une œuvre de fiction. Ces points de vue variés et originaux permettent de dérouler les divers évènements de l’intrigue sans lasser le lecteur, et de centrer la narration sur les aventures en terre étrangère de nos deux profs.
Mon avis : Bref, un sympathique roman de Lodge, un jeu de miroir assez plaisant mais dont les derniers rebondissements sont attendus. Toutefois, le jeu avec les conventions littéraires et les focalisations ne manque pas d’intérêt et d’originalité. Un bon moment de lecture et de détente.