Lent dehors, Philippe Djian
Henry-John fait du piano, est prof et marié à une Edith, écrivaine. Sa vie coule tranquillement, entouré de sa femme et de ses deux filles, jusqu’au jour où il lui prend l’envie de coucher avec cette collègue qui l’insupporte. Dès lors, c’est une descente aux enfers qui s’enclenche, et l’occasion pour Djian de nous faire partager par flash back et journal intime interposés l’histoire de celui qui est maintenant un quadragénaire bedonnant et déçu par la vie. Comme cet escalier qu’il reconstruit sur la plage des Etats-Unis où il a trouvé refuge pour tenter de sauver ce qui en lui pouvait encore l’être, le narrateur reparcourt marches à marches son passé.
Toutefois, ne vous attendez pas à une reconstruction rectiligne et solide. Ça part à droite et à gauche, on nous lance des pistes, le puzzle est à construire. Des femmes, Edith, Eléonore, Eveline, Anna, Carolle et j’en passe ; quelques hommes, Oli, Finn. Une enfance au milieu des danseuses étoiles ; Edith qu’il connaît depuis ce temps ; Edith qui chaque soir écrit son journal. Un journal qui permet de comprendre comment il en est arrivé là. Là, c'est-à-dire avec elle.
Tu ne trouveras pas mieux que moi henry-John… Tu ferais mieux de me croire pour une fois…
Je ne vous en dirai pas plus, ce serait gâcher le plaisir ; ce roman est vraiment palpitant. On ne s’ennuie pas un seul instant. C’est comme un roman d’apprentissage. Il y a quelque chose de Kerouac, de Roth, enfin quelque chose d’américain. Très puissant. Une odeur de bitume, de poussière et d’embruns. Djian affirme dans ce texte toutes ses grandes aspirations : les blessures de la vie, diverses ; les femmes, multiples ; le sexe, sensuel et érotique ; et l’Amérique…
J’ai toujours senti chez Djian des consonances américaines, plus ou moins avouées. Les lieux sont souvent flous. Mais là on sait : il va en Amérique, il le dit, le décrit, le vit. Un grand roman. Construit avec brio, harmonieuse construction, un escalier plein de tours et de détours à angles droits, menant inexorablement vers ce qu’on sait depuis le début. Lent dehors, pour lente explication ? Peut-être… Il est vrai que la jeunesse d’Henry-John a été bien remplie. D’amitié, de découvertes, de livres et de femmes. Beaucoup de femmes. Il y a un peu de Djian derrière lui. Un héros dépassé par la vie, qui se laisse bouffer par elle( et les femmes(, qui accepte les choses comme elles viennent, quitte souvent à renoncer à l’Idéal. Un ami, un père et un mari aimant et indispensable pourtant…
Et pas trop glauque pour une fois. C’est agréable d’un bout à l’autre. Certes il y a deux ou trois situations vraiment dures à encaisser. Mais ça reste du Djian après tout…
Tout cela pour vous dire que c’est un des meilleurs romans de cet auteur que j’ai lus ; peut-être le meilleur. Et sans aucun doute mon coup de cœur de ce début d’année. Une belle surprise, alors que je croyais être fatiguée de Djian.