The Book of Illusions, Paul Auster
There was no moon in the sky that night. When I stepped out of the car and put my feet on the ground, I remember saying to myself : Alma is wearing red lipstick, the car is yellow, and there is no moon in the sky tonight. In the darkness behind the main house, I could dimly make out the contours of Hector’s trees _ great hulks of shadow stirring in the wind. […]
Eleven years later, I still wonder what would have happened if I had had stopped and turned around before we reached the door. What if, instead of putting my arm around Alma’s shoulder and walking strait toward the house, I had stopped for a moment, looked at the other part of the sky, and discovered a large round moon shinning down on us? Would it still be true to say that there was no moon in the sky that night? If I didn’t take the trouble to turn around and look behind me, then yes, it would still be true. If I never saw the moon, then the moon was never there.
Eleven years later, I still wonder what would have happened if I had had stopped and turned around before we reached the door. What if, instead of putting my arm around Alma’s shoulder and walking strait toward the house, I had stopped for a moment, looked at the other part of the sky, and discovered a large round moon shinning down on us? Would it still be true to say that there was no moon in the sky that night? If I didn’t take the trouble to turn around and look behind me, then yes, it would still be true. If I never saw the moon, then the moon was never there.
Ce passage, situé au milieu du roman, en est l’esprit concentré en quelques lignes.
L’illusion est au centre du tout. Du titre, de l’histoire, des yeux du héros et du lecteur. Tout ce que nous voyons peut nous tromper. C’est à quoi sert le cinéma ; nous faire croire à des choses qui n’existent pas. Tout ce que nous ne voyons pas nous trompe aussi. Ainsi la lune n’existe pas parce que David Zimmer, le narrateur de cette histoire, ne la voit pas.
Hector Mann, le fameux acteur du cinéma muet, le Charlie Chaplin austérien, lui aussi a disparu. Personne ne sait ce qu’il est devenu. Evaporé alors que la bande son fait son apparition.
Les enfants et la femme de David ont également disparus. Une disparition en forme d’euphémisme, puisqu’ils sont morts dans un accident d’avion. Et Hector Mann va être celui qui va sauver David.
Les enfants et la femme de David ont également disparus. Une disparition en forme d’euphémisme, puisqu’ils sont morts dans un accident d’avion. Et Hector Mann va être celui qui va sauver David.
En effet, ce dernier, alors qu’il zappe devant la télé un soir d’alcool et de déprim’, reste en arrêt face à l’image de ce clown en moustache noir et blanc. Et là, son visage se fend de l’expression qui l’avait abandonné depuis six mois : un sourire. David a ri en regardant le film d’Hector Mann.
Dès lors, il se sent investi d’une mission : écrire un livre sur les films de Mann, et faire la lumière sur la vie obscure de cette star des projecteurs. Jusqu’au jour où il reçoit une lettre de la femme même de Mann, qui le presse de venir à son chevet…
Les chapitres se succèdent alors, mêlant descriptions de films – on s’y croirait ! -, rencontres, tentatives pour renouer avec la vie, traductions de Chateaubriand, vie d’Hector Mann et finalement, une rencontre avec celui-ci. Tout ceci paraît bien anarchique, et pourtant, l’ensemble est lié. Cette histoire est comme un cercle, dont chaque point se fait face, comme en miroir. La vie d’Hector Mann est celle de tous et de personne. Celle de Zimmer, en certains points, lui ressemble. Celle de certains des personnages de ses films aussi. Il a presque fait de sa vie un film. David en fait même un livre. Tout comme Alma, celle qu’il ne connaît que huit jours mais qui le sauve de la mort, comme Hector avait sauvé Frieda.
Voilà ce que j’appelle un roman construit. Les chapitres, les vies se répondent. Et avec ça, un style particulièrement fluide, qui alterne passages simples et prolongations poétiques (ces simples arbres qui deviennent comme des ombres s’étirant dans le vent, cf supra).
Néanmoins, certains passages de descriptions de films (bien que très originaux et agréablement rendus grâce au style fluide d’Auster) sont un peu longs. Tout comme le récit de la vie d’Hector, dans lequel je me suis un peu embrouillée les pinceaux (mais peut-être n’ai-je pas été suffisamment attentive à la lecture de certains passages…shame on me !). Mais une fois que David a rencontré Alma puis Hector, tout s’enchaîne et s’enflamme – au sens propre, vous verrez !
Bilan : une lecture plaisante, avec quelques longueurs – nécessaires pourtant ! qui font de ce roman une œuvre complète, un machinerie bien huilée comme un tour d’illusionniste. On est emporté par cette histoire, dont la fin est certes un chouilla prévisible mais bon, on reste happé par la magie de l’illusion. Du grand Paul Auster, avec beaucoup de personnages, des histoires de vies fouillées, où rien n’est laissé au hasard. Une mise en abîme de l’illusion que laisse présager le titre. Un roman qui fait réfléchir…et rouvrir les cours sur la philosophie kantienne !
Ce roman est également l’occasion pour Auster de proposer une réflexion sur l’art, ses tenants et ses aboutissants, l’artiste, ses aspirations, l’importance de trouver un moyen de s’exprimer pour continuer à vivre ou survivre. Mais la question est : qui survit à qui ? L’œuvre d’art ou l’auteur ? Parfois, l’un semble disparaître avec l’autre ou, comme Chateaubriand, le livre sortir de la tombe alors que l’auteur y entre…
Et puis, un roman qui parle de cinéma, je trouve cela drôlement original… ! A bon entendeur…
Nb : Jacques Teissier compare ce roman avec l'un de ceux de Philippe Djian (que je n'ai pas lu...) ce qui n'est pas pour me déplaire!