Hernani, Victor Hugo
Drame en cinq actes…
Cinq actes mais plusieurs mois, c’est le temps qu’il faut pour qu’Hernani aime, se batte, se tourmente, change d’avis moult fois, respecte sa parole, son honneur, et meure…
Hernani c’est l’homme dans toutes ses dimensions : le bandit de grand chemin, vivant dans les forêts, puis le duc dévoilé, (Jean d’Aragon de son vrai nom) aux titres aussi nombreux qu’Hernani a de lettres. Je vous dévoile beaucoup d’éléments déjà ; ne m’en veuillez pas… Je ne peux vous parler autrement de ce drame romantique, plus connu pour la bataille qu’il a suscitée que pour les batailles qui se déroulent entre ses pages.
Alors, pourquoi se bat-t-on dans Hernani ? D’abord parce qu’on est passionné, comme toujours. Passionné d’amour. Dona Sol est aimée de trois hommes : Hernani (qui l’eut cru !) le Roi don Carlos, et le Barbon (vous avez dit Molière ?), don Ruy Gomez. Donc forcément, quand on est trois à aimer la même femme, ça passe par l’épée (ou l'enlèvement... rusé?!). Heureusement, personne ne passe, ni ne trépasse…En tout cas pas comme ça. Et sinon, en plus de la passion amoureuse, il y a l’honneur, la gloire, la vengeance, ce qu’on se doit à soi-même et à son nom. L’honneur, toujours. Venger son père d’un affront ancien, voilà ce qui guide le bras d’Hernani, cette « force qui va ». Finalement, ce n’est pas le manquement à cet honneur filial qui le perdra ; mais là, je ne vous dévoilerai rien !
On se bat aussi pour la gloire, et pour ses titres. On se bat contre les autres mais aussi contre soi-même. Don Carlos vous le dira : si l'on est empereur, il faut être magnanime.
On se bat aussi pour la gloire, et pour ses titres. On se bat contre les autres mais aussi contre soi-même. Don Carlos vous le dira : si l'on est empereur, il faut être magnanime.
Il y a beaucoup de passions dans Hernani, des passions diverses qui s’enchaînent et s’entrecroisent, se frayant un chemin au milieu des coups de théâtre et de la pelote de nœuds. Les valses hésitantes, « aimez moi, venez avec moi », « oh non ne venez pas, ma vie est trop dure pour vous »… alternent avec les mots d’amour pétrarquisés ou bien connus Vous êtes mon lion superbe et généreux, Je vous aime… (III, 4)
Bref, c’est textuellement et dramatiquement grand Hernani. Et à cause de cette grandeur, de ce pilier de cathédrale (Hugo voulait faire de ce drame le point d’ancrage d’un édifice immense), on se bat. La question est alors : pourquoi se bat-t-on pour Hernani ?
Parce qu’Hernani c’est romantique, et que la liberté que revendique les romantiques, ça ne plaît pas aux classiques. Eux ils aiment les règles, les bienséances, la vraisemblance et la métrique. Rien de tout ça dans Hernani. Dès le deuxième vers, les escaliers se dérobent, le vers se casse la figure dans un superbe rejet :
Serait-ce déjà lui ? C’est bien à l’escalier
Dérobé.
Ahah quelle gageure ! Bafouer ainsi la règle de la métrique, le support incassable de l’édifice tragique ! Déjà les sourcils se froncent, on s’indigne, on hue. Et ça continue. On voit défiler des tableaux plus que des actes (ceux-ci portent des titres, a-t-on jamais vu du théâtre qui puisse être lu ?!), jamais dans les mêmes lieux, séparés par des mois… et les trois unités dans tout ça ?
Une femme aimante et courageuse, qui exprime ses sentiments (Je vous aime ! de Dona Sol !), c’est contraire à la bienséance ! Et les coups de théâtre et autres retournements de situation qui cascadent, ça ne va pas du tout, on ne respecte rien ! Un scandale !
Une femme aimante et courageuse, qui exprime ses sentiments (Je vous aime ! de Dona Sol !), c’est contraire à la bienséance ! Et les coups de théâtre et autres retournements de situation qui cascadent, ça ne va pas du tout, on ne respecte rien ! Un scandale !
Non, non, ça n’est pas un scandale, c’est juste romantique… un drame romantique… le papier souffre tout, comme dit Hugo ; il lui faut maintenant trouver un public. Un public qui accepte que la devise de la poésie soit la même que celle de la politique : TOLERANCE et LIBERTE. Hernani, c’est un drame, un poème tragique désarticulé, bariolé, et ça fait le même effet qu’un coup de pistolet au milieu d’un concert.
La poésie, support de la politique ? Outrage ! Et pourtant…
Finis les nobles vers, fini les actes où tout s’enchaîne, glissant vers une fin irrémédiable. A de nombreuses reprises on se dit que c’est fini, Hernani. Et pourtant ça n’est que l’acte III, que l’acte IV… Il reste encore des pages, il reste encore des mots. Il nous tient en haleine, le bon Victor Hugo !
Il nous tient en haleine, mais nous balise la route. On reconnaît des pièces, des auteurs. Il y a le Cid, il y a Cinna ; l’amour ou l’honneur, la clémence d’empereur. Il y a Molière, il y a Hugo ; le vieillard amoureux et l’Espagne, les tableaux ; la galerie de portraits, le héros, bandit vil puis duc sublime… presque le ver de terre amoureux d’une étoile… mais ça c’est dans Ruy Blas…
Bref, j’en passe, et des meilleurs (ça c’est dans Hernani )
Et à la fin on parle en vers, aussi... ^^
Et à la fin on parle en vers, aussi... ^^
Une belle surprise. Je ne pensais pas apprécier autant un drame romantique, et en plus, de Victor Hugo (a priori stupides que j’ai sur cet auteur… mais ils tombent, ils tombent, peu à peu ! Conseillez moi d’ailleurs !)
Je m’en vais de ce pas lire Ruy Blas. Après la force qui va, voyons ce qu’Hugo nous réserve…