Le Monde dans les Livres

Mardi 29 juin 2010 à 22:48

http://lemonde-dans-leslivres.cowblog.fr/images/brooklynfollies.jpgBrooklyn Follies, Paul Auster
Que dire d’un roman que j’ai dévoré, d'une intrigue plus que fournie, sans temps morts, conté par un narrateur qui annonce d’emblée être à la recherche d’un endroit pour mourir ? Mais Nathan ne s’attend pas à vivre si intensément en s’installant à Brooklyn…
Il est vrai que l’incipit de ce roman d’Auster est déceptif ; Nathan Glass, le narrateur, la cinquantaine plus que tassée, aspirant à une fin silencieuse pour [sa] vie triste et ridicule, voit cette vie changer de visage lorsqu’il retrouve son neveu Tom dans une bouquinerie de Brooklyn (cadre génial, non ?!). Mais il ne va pas uniquement s’agir de la vie de Nathan dans ce roman ; ce dernier ne va pas s’adonner à la narration narcissique de sa nouvelle vie de retraité des assurances un peu aigri, vivant dans ses souvenirs. Les destins de nombreux personnages se croisent, et notre quinquagénaire nous les livre au même titre que certaines anecdotes qu’il s’applique à consigner dans son Livre des folies humaines (Brooklyn Follies ?!). Sa vie, ainsi que celle de son entourage, n’est pas des plus simples. Ils connaissent tous galères, rejets et peines diverses. Au fil du récit de Nathan, on apprend à connaître Tom, universitaire devenu chauffeur de taxi, sa sœur et sa fille Lucy, les (multiples) femmes de leur vie, la JMS (Jeune Mère Sublime), Honey, et j’en passe… Ce passage situé environ à la moitié du roman résume étonnement bien la situation :  
Ce n’est pas que j’ai honte de ce que nous sommes – mais bon Dieu, quelle famille. Quel ramassis d’âmes en peine et déglinguées. Quels exemples frappants de l’imperfection humaine. Un père dont la fille ne veut plus rien avoir à faire avec lui. Un frère qui n’a plus vu sa sœur et en est sans nouvelles depuis trois ans. Et une gamine qui s’enfuit de chez elle et refuse de parler.
 Et après tout ça, après avoir rencontré, écouté ses familiers, Nathan voudrait s’attaquer aux biographies d’illustres inconnus, afin d’assurer l’immortalité à tous ces hommes et ces femmes ordinaires, mais dont les vies sont pourtant foisonnantes...
C’est un peu ce qu’illustre ce roman, dans lequel se croisent une multitude de personnages, dont le destin est unique, et parfois étonnant, surtout lorsque les destinées se mêlent et que tout se réorganise comme par magie. C’est la magie de la littérature qui fait que ces hommes seuls, abandonnés de tous, qui semblent avoir tout perdu, retrouvent peu à peu leur dignité, perdent des proches, en retrouvent n’autres, des liens se nouant et se dénouant, et les femmes s’installant dans leur vie tout à coup. La courbe du bonheur va croissant dans cette histoire, avec une forte accélération au moment du séjour à l’Hôtel Existence, ce lieu idéal dans lequel chacun rêverait de se réfugier.
Mon avis : Comme je le disais, pas un temps mort, les personnages apparaissent et disparaissent sans cesse, le tout orchestré par Nathan, ce narrateur qui voile et dévoile les histoires tour à tour, comme il l’entend, pour finalement tout nous dire – ou presque- sur ces hommes et ces femmes qui croisent sa route. De nombreux croisements donc, assez rectilignes, comme les rues de Brooklyn, avec ses carrefours et ses quartiers, à l’image des moments de doute, de galère, puis de ressourcement et de bonheur. Un éloge de la folie de la vie humaine, de son rythme endiablé, de ses revirements inattendus, de ces choses qui arrivent comme par enchantement, qui nous font nous dire que parfois, le destin, ça existe… Un éloge de la folie de l’esprit de l’homme aussi, duquel émergent toutes sortes d’idées folles, qui font naître de géniaux voyous, des petites filles étonnantes, et pousse à se surpasser pour changer les choses et se donner les moyens d’essayer d’être heureux.
Un récit assez linéaire tout de même, simple à suivre, puissamment rythmé. C’est ce qui ferait de ce roman un îlot un peu solitaire dans l’œuvre souvent complexe de l’auteur (selon ce que j’ai pu lire dans les critiques, car je n’ai lu d’Auster que Léviathan). Il serait coutumier des récits à tiroirs et des intrigues en colimaçons. Là, la vie s’écoule, palpable, sensible, et les personnages semblent réels. La grâce faisant place à l’habituelle folie ? Et le titre alors ?!
 Quoi qu’il en soit, un très bon moment de lecture, un récit au rythme enlevé comme je les aime, un large panel de personnages liés par les coups du sort du destin, des coïncidences troublantes, des couples qui se font et se défont, des alliances improbables, une bouquinerie dans Brooklyn, des héros névrosés mais pleins de ressources et bourrés de sensibilité ; bref, de la littérature !
 
Par Ys le Mardi 29 juin 2010 à 23:53
J'ai eu plus de bas que de hauts avec Auster, mais j'emmène quand même "La trilogie new yorkaise" dans mes cartons estivaux.
Par keisha le Mercredi 30 juin 2010 à 9:35
Eh bien tu vois, Paul Auster c'est bien, même quand c'est plus classique! Pour ma part quand j'en démarre un, je tourne les pages sans souci.
Par Lu cien le Mardi 3 août 2010 à 8:39
Bonjour Saleandre, excuse-moi de mon absence - me revoilà ! J'ai justement emmené avec moi Moon Palace, mais en anglais, et cette période estivale où je suis (un peu) paresseux ne me pousse pas à lire Auster dans le texte... En revanche, je suis irrésistiblement poussé à rouvrir Du côté de chez Swann. Affaire à suivre ! ...
 

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