Mrs Dalloway, Virginia Woolf
C’est la vie d’une femme de la haute société britannique dont Virginia Woolf nous raconte l’histoire ; ou plutôt la journée. Une journée ensoleillée de juin 1923. Ce roman se déroule sur quelques heures, du lever de Clarissa Dalloway à la réception qu’elle donnera chez elle dans la soirée ; il est sous le signe de la continuité. Toutefois, on ne suit pas uniquement les pérégrinations dans la ville et les pensées de cette femme, qui nous offre sa perception du monde. Plusieurs points de vue se croisent dans ce roman à la troisième personne, dont celui de Peter Walsh, l’ancien amoureux de Clarissa revenu des Indes, et celui de Septimus Smith, un homme à l‘esprit à jamais ravagé par la guerre. Le monde vu par ses yeux paraît fou, déconstruit, et contraste avec limage poétique que nous en offre Mrs Dalloway. Clarissa ne fait que croiser Septimus, mais cet homme à la destiné tragique est une des faces de l’héroïne éponyme.
Le personnage de Clarissa Dalloway est à la fois simple et complexe. Riche aristocrate vivant dans le centre de Londres, à Westminster, environné du pouvoir, du Parlement, de Buckingham Palace et des écoles des élites, Clarissa a fait le choix d’épouser Richard Dalloway ; probablement un mariage de raison comme il s’en faisait tant. Elle aurait pu rester un personnage creux et stéréotypé, une « marquise sorti[e] à cinq heure » (comme raillait Valéry)pour acheter des fleurs pour sa réception. Mais son monologue intérieur, que l’auteur nous rapporte à la troisième personne, confère de l’épaisseur à son personnage. On est surpris d’apprendre quel fut son passé, quels peuvent être ses douleurs et ses regrets. C’est une femme sensible, un brin romantique, qui aime marcher dans Londres et parcourir la ville en autobus. Tout ceci fait de ce roman une œuvre poétique, agrémentée d’une réflexion philosophique sur la vie, aux effluves romantique et néo-platoniste. Tout est connecté dans l’univers de Clarissa, qui est le point focal du roman.
Mon avis : J’ai pris plaisir à la lecture de ce roman fortement chargé en poésie. Toutefois, il est parfois difficile de distinguer les divers points de vue, bien que le changement de focalisation soit perceptible par la typographie, et le changement de style. La lecture en anglais ne facilitait pas la tâche, mais je parvenais toutefois à percevoir ce que le texte pouvait avoir de poétique. De nombreux termes m’étaient inconnus, mais cela ne m’a pas empêchée de goûter la fraîcheur et la beauté de cette œuvre unique en son genre (ou sui generis, pour faire genre !).
Je recommande vivement la lecture de cette œuvre magnifique, que je m’empresserai de relire en français quand l’envie m’en prendra, et que j’aurai récupéré l’exemplaire français. Une de mes bonnes surprises de l’année!
Un petit extrait de l’incipit, pour vous donner l’eau à la bouche !
Mrs Dalloway said she would buy the flowers herself.
For lucy had her work cut out for her. The doors would be taken off their hinges; Rumpelmayer’s men were coming. And then, thought Clarissa Dalloway, what a morning – fresh as if issued to children on a beach.
What a lark ! What a plunge ! For so it had always seemed to her when, with a little squeak of hinges, which she could hear now, she had burst open the French windows and plunged at Bourton into the open air. How fresh, how calm, stiller than this of course, the air was in the early morning; like the flap of a wave; in the kiss of a wave; chill and sharp and yet (for a girl of eighteen as she then was) solemn, feeling as she did, standing there at the open window, that something awful was about to happen; looking at the flowers, at the trees with the smoke winding off them and the rooks rising, falling; standing, looking, until Peter Walsh said, “Musing among the vegetables? – was that it?-“ I prefer men to cauliflowers” – was that it? He must have said it at breakfast one morning when she had gone out on to the terrace – Peter Walsh.