Des vents contraires, Olivier Adam
Ici le temps changeait sans cesse, au sein d’une même journée on pouvait passer par tous les états possibles et rien ne s’installait jamais vraiment, on vivait sous un ciel instable et pour ma part j’avais toujours aimé cela, le monde semblait ne jamais devoir prendre de repos, tout vivait intensément, le ciel la mer avaient leurs coups de sang leurs accalmies, rien n’était jamais posé ni égal.
Paul Anderen, écrivain en stand-by, père de deux enfants, s’installe à Saint-Malo, la ville de son enfance, pour tenter de refaire sa vie avec Clément et Manon, 9 et 5 ans. La brusque disparition de leur mère les a profondément ébranlés. Ecorchés vifs, les personnages d’Olivier Adam sont des marionnettes de la peine. A travers leurs actes, leurs silences, leur malheur se donne à lire. Pas besoin de grandes analyses psychologiques. L’errance dans les pièces vides, les endormissements impromptus, les cauchemars, les sourires volés, tout cela traduit mieux que les mots l’horreur quotidienne que vivent ces enfants privés de leur mère, que leur père tente de soutenir du mieux qu'il peut, tout en se démenant pour maintenir la tête hors de l'eau. Le sort de celui-ci, celui qui dit « je », n’est effectivement pas très rose. Il boit, vomit, travaille un peu, survit. Etrangement, il vient en aide à de nombreuses personnes, dont certaines semblent n’avoir que peu d’intérêt quant à l’intrigue générale ( la disparition de Sarah). C’est l’un des reproches que l’on peut faire à ce roman au style inimitable, dans lequel l’auteur évoque dans toute sa puissance la peine, la douleur, la solitude liée à l'absence et le malheur humain.
Paul et ses enfants sont balayés par ces vents contraires qui battent les plages de la côte. A tout moment leur vie peut basculer. Sarah reviendra-t-elle ? Qu’est-elle devenue ? Ils vivent dans une attente couverte, fébrile, une attente que l’on tait, mais qui pulse au fond du cœur de chacun, en silence. Jamais ils ne prennent de repos. Et pourtant ils tentent de vivre, de retrouver le goût de la vie, du bonheur, des plaisirs. Tels le flux et le reflux des vagues, les moments presque heureux alternent avec les bourrasques d’abattement. Le seul apaisement semble venir de la mer, de la plage, du ciel. Tableaux maritimes et moments de narration s’entrecroisent (ces derniers étant parfois un peu longs, mais on a noté l’importance de la narration des actes et des futilités du quotidien pour rendre compte de la douleur de l’absence). L’ensemble ponctué de souvenirs, de regrets d’une vie qui jamais plus ne sera comme avant…
La vie d’avant, la vie tranquille , la bonne vie, simple et modeste, petits bonheurs au jour le jour, la fatigue du boulot des enfants du temps qui passe mais c’était tout, faire des puzzles sur la tapis m’allonger près d’eux devant un dessin animé, embrasser Sarah dans le cou l’entendre prendre sa douche, une bière en été des cacahuètes sur la chaise longue près des hortensias, baiser dormir enlacés lire la tête sur son ventre, la regarder partir au matin et retrouver la maison silencieuse et calme.
On peut regretter les péripéties un peu inutiles, autant de longueurs à déplorer – la vie de tous ces personnages rencontrés dans l’habitacle d’une voiture d’auto-école n’a rien de palpitant, des noirceurs de plus pour montrer ô combien le monde est pourri, mais alors là, pourri… (too much is too much… !). Dommage parce que l’intrigue est bonne, simple, poignante, la douleur des personnages très bien rendue par les blancs laissés entre les actes, où d’autres auraient mis de la psychologie. Un style intéressant, une voix qui n’est pas sans m’évoquer les héros de Philippe Djian. Mais toutefois, certains points dans la construction d’ensemble laissent à mon goût un peu à désirer… Ce roman, qui aurait pu être un très bon roman, laisse un goût d’œuf pourri, comme cette odeur qui gâche un peu, parfois, la contemplation d’un paysage maritime.
A lire : une très bonne critique de Télérama (non non je ne m'en suispas du tout inspirée ^^)