La mort du père, celle de la mère, le cousin Claude et l’admiration qu’il suscite, insondable et au bord du conscient. Voilà tout ce qui se passe dans ce roman à la première personne de Julien Green. Non, ça n’est pas une autobiographie, puisque le personnage qui dit «je » s’appelle Denis. Mais tout de même, je pense qu’on en est proche, dans le sens où, toujours, à travers l’écriture, transparaît la vision du monde et un peu de la vie d’un auteur.
C’est d’ailleurs ce qu’il dit a posteriori dans la préface (écrite à posteriori, mais située au début du livre et appelée préface...). Après tous les excès de la chair, les douleurs de la volupté, des plaisirs et des sens, Julien Green ressent le besoin de retrouver la sérénité et le calme ; pour cela, il se tourne vers son enfance. Mais au lieu de décrire son enfance au départ d’une promenade sur le pont de Paris, il invente l’enfance de Denis et de son cousin. Une enfance passionnée qui s’avère être le rêve littéraire d’une passion refoulée. Le tout sous couvert de la fiction.
J’avais besoin de souffrir en remplaçant ce qui fut par ce qui aurait put être et m’inventait une adolescence où Mark était présent avec moi. […] Quand le récit parut, quelques personnes crièrent à l’autobiographie. Je haussai les épaules. A part deux ou trois pages sur notre maison de campagne, presque rien dans cette histoire ne correspondait aux faits réels de ma jeunesse, mais comme tant de romanciers j’étais aveugle. Je faisais un tour de passe-passe dont j’étais le premier spectateur abusé. S’il n’y avait pas d’hallucination dans ce que l’écrivain nous raconte quand il peut inventer, il ne resterait plus beaucoup de poésie dans la littérature. Du plus profond de ses rêves surgit parfois le visage extasié de l’enfant torturé d’amour.
La réalité se trouve donc au-delà de la conscience, et parfois même au-delà du rêve. C’est d’ailleurs cette question du rêve qui est à plusieurs reprises soulevée dans le roman.
C'est une bizarrerie de mon esprit de ne croire à une chose que si je l'ai rêvée. Par croire, je n'entends pas seulement posséder une certitude, mais la retenir en soi de telle sorte que l'être s'en trouve modifié. Aussi, quelque insignifiante qu'elle soit, cette certitude vient toujours se mêler à mes pensées, mais il faut qu'elle pénètre en moi par la porte énéidienne qui livre passage aux songes véritables.
Les choses, les évènements, les êtres, ne prennent véritablement place dans nos vies qu’après avoir franchi la barrière de notre esprit et de nos rêves. On sent l’influence psychanalytique du XXème siècle derrière tout cela. Mais je ne peux m’empêcher d’y croire. Voilà un livre où j’ai découvert ce que longtemps je pressentais. Les mots sont écrits, l’expérience est rendue intelligible par la littérature. Seuls les mots d’un auteur auraient pu parvenir à rendre compte d’un tel phénomène. Comme dans les Pensées de Pascal (dont un extrait est cité en dédicace du livre), on peut aller jusqu’à penser que les moments de veille de nos vies sont pourraient être en quelque sorte un autre sommeil dont nous nous éveillons quand nous pensons dormir.
Sinon ce court roman est surtout une introspection sur la morosité de la vie, des relations, de la solitude, le tout coloré d’une passion qu’on se refuse à voir. Encore une fois il est question d’homosexualité. Je ne sais pas ce qui fait que souvent, les écrivains préfèrent les hommes… peut-être le plaisir de la différence, et la passion de la souffrance (redondance… !)
Tout d'abord il me semble qu'une préface peut difficilement se situer a posteriori ( sauf a être une postface )
Ensuite ce n'est qu'un sentiment personnel ( et une tendance à ergoter ) mais plus qu une tendance des écrivains a être homosexuel ne serait ce pas une tendance des
homosexuels à passer par l écriture pour tenter de formuler, à mots caches, par l implicite, l ellipse, la métaphore ce qui a l époque apparaissait tabou ?
Sinon je note Green dans mes auteurs à lire.
Amitiés